dimanche 28 septembre 2025

Lecture en musique de L'Ange derrière la vitre

 

Lecture du poème, écrit à quatre mains avec Bertrand Lançon, accompagnée par Yann Pétillon au piano et d'Isaa à la flûte traversière.

Montage vidéo réalisé par Isaa.

Le texte est disponible ici.

 

dimanche 21 septembre 2025

Logogriphe n°3

 


Sur mes six pieds je protège un magot 
mais la tête en moins je fais un cadeau.
 
 
 

[Le logogriphe est un poème énigmatique dont il faut trouver le mot par l'évocation de tous les autres mots que celui-ci comporte quand on lui retire une ou plusieurs lettres. Ce jeu littéraire était courant à la fin du dix-huitième siècle et au début du dix-neuvième. Il est ensuite tombé en désuétude, remplacé par la charade. Le logogriphe a son vocabulaire propre : les pieds sont les lettres du mot à trouver ; la tête signifie la première lettre de ce même mot et la queue, la dernière.]

 

dimanche 14 septembre 2025

Rurex

 

 

    Près de chez moi, il y a l’ancienne ferme de la Guitonnière. On y accède par un long chemin désaffecté où la vie sauvage explose. Arrivé au bout, on s’aperçoit que toute activité humaine a disparu. La grande cour de la ferme est immobile. Pas un cheval, pas un chien, pas un chat, pas même une poule. Un tracteur, au strabisme divergent, se décompose. Des herbes folles bordent ses pneus de petites fleurs jaunes rassemblées en foule curieuse. Les étables s’effondrent les unes après les autres. Elles tombent d’épuisement. Elles meurent de vieillesse. Les fenêtres sont ouvertes à tous les vents. On pourrait lire sur leurs huisseries, comme on lit sur les lèvres : « abandon… abandon...». Une seule silhouette humaine et minuscule : celle d’une femme, dans le creux d’un mur. C’est une statuette de la vierge et de l’enfant Jésus qui, délavé par la pluie, a la douceur immaculée d’un bel haricot blanc.
    Il n’y a plus l’agitation, l’effervescence et le désordre de toute fermette en bonne santé. L’abandon a nettoyé la place. Il y règne un ordre funéraire.
    Les seuls habitants sont des chevreuils. Ils se nourrissent du verger qu’ils entretiennent de leurs incisives qui ont le mordant d’un sécateur. Les portes des granges s’entrouvrent sur des bidons renversés et des jerricans qui fuient. Ça sentira l’homme encore longtemps.
    Quand vous vous trouvez au bout de cette ferme, le chemin s’arrête, il faut faire demi-tour. C’est une presqu’île. On voit tout autour de cet îlot sauvage, une mer de terres agricoles de plusieurs dizaines d’hectares. Les moissonneuses batteuses qui croisent au large n’y accosteront jamais. Pour quoi faire ? Elles préfèrent pêcher ces gros bancs de poissons d’or : ce blé qui se débat sur la berge. La richesse est là, c’est cette terre, les anciennes parcelles de la ferme de la Guitonnière, ce récif, cet écueil au milieu des céréales. Ses bâtiments sont gênants, ils obligent les engins à faire des détours et à manœuvrer tout au bord. L’infrastructure est trop chère à détruire, c’est la seule raison de sa survie.
    Les tracteurs laissent en pâture cette vieille ferme à la faune et à la flore sauvages. Les prunelliers, les sureaux, les fougères et les ronces y poussent en liberté, loin des gyrobroyeurs. La ferme de la Guitonnière est devenue par la force des choses une réserve naturelle, et la meilleure qui soit : celle qu’on ne cherche même plus à protéger, celle qu’on oublie, celle qu’on délaisse.
 
 
 

dimanche 7 septembre 2025

Lampe au bec d'argent, lai (II,11)

 

 
Lampe au bec d’argent,
feu du Tout-Puissant,
tu luis
là-haut, surplombant
bougies,
autel, croix et bancs
quand prient
le soir, les croyants.
Soudain, on entend
un bruit
de pas menaçant.
C’est lui,
voici
Maldoror ! C’est en
suppôt de Satan,
haï,
maudit
par tous, qu’il se rend
ici.
Assis,
seul, en bout de rang,
son regard méchant
t’épie,
lampe au bec d’argent.
D’un caillou tranchant,
Maldoror te fend.
Tu fuis
de l’huile en chutant.
C’est dit.
Maldoror te prend
au creux de son gant
noirci.
Petit
à petit tu prends
forme en grandissant.
Magie !
Voilà que tes flancs
sont ailés de blanc.
Tu deviens enfant,
séraphin brillant,
putti,
dieu phosphorescent !
Tu fuis
dans les airs, mais c’en
est fait de toi quand
jaillit,
d’un saut, ce dément.
Il t’embrasse, et tant,
et tant ! Au moins cent
fois, oui !
Tandis
que tu le pourfends,
ses baisers brûlants,
amie,
te polluent le sang.
Tu te bats à grands
coups d’épée, coupant
les plis
de son manteau. Sans
répit,
il t’étouffe, il tend
sa lèvre et ses dents
pourries
se rient
de toi en grinçant.
Tu dis,
en tremblant : « je t’en
supplie. »
Tu cries
emplie
de dégoût : « Va-t’en ! »
Il t’embrasse autant
que tu te défends.
Occis-
le ! Trop tard. Tu sens
que ton corps mourant
bleuit,
flétrit,
pâlit.
L’infection s’étend,
et lui, triomphant,
te jette à l’eau sans
merci.

Depuis,
lampe au bec d’argent,
tu parais de temps
en temps, descendant
la Seine, éclairant
la nuit.
 
 
 

Volume horaire, juillet 2024 (3/12)

  Quoi qu’on fasse, une journée ne compte que vingt-quatre heures. Les quatrains suivants s’en accommodent, tous écrits en vingt-quatre mots...