mercredi 19 avril 2023

Sonnet sur écoute : le port de commerce

 




Marée
De brume
Roulis
D’échos

Désert
Iodé
Gravats
Des grues

Pas un
Bateau
Parking

Chaussée
Trempée
Mer d’huile


lundi 10 avril 2023

Rue Lucifer, logorallye




    Liste : Lucifer → Boulangerie → Boudoir → Rose → Éclore → Jasmin → Verveine → Omnibus → Carnet → Fleurir → Dinosaure → Plaisanterie


    Rue Lucifer se trouve une boulangerie un peu vieillotte. La devanture est d'un jaune pisseux et la peinture s'écaille. La vitrine n'est pas plus engageante : des pâtisseries, qui tiennent plutôt du gâteau sec, et du pain mal fagoté dans sa panière d'un autre temps. Je ne vois jamais personne à l'intérieur, même le patron se tient caché dans son arrière-boutique.

    Ici, on n'a plus fait la queue depuis des décennies.

    Il n'y a que moi pour m'intéresser à la boulangerie de la rue Lucifer. J'entre. Je prends un croissant et m'installe au fond, dans une espèce de salon de thé aux faux airs de boudoir. À une époque, le papier peint a dû être rose. Son motif floral donne l'impression d'éclore dans les coins du mur où la tapisserie se décolle. La patron a regagné son antre après m'avoir servi un thé au jasmin, ou une verveine, difficile à dire, le sachet de l'infusion datait un peu.

    On entend les malaxeurs qui pétrissent le pain. Ce pain dont personne ne veut, pas même le patron qui suit de loin en loin la cuisson, indifférent. "De quoi vit-il ?" me suis-je demandé en fixant, le regard vide, un tourniquet rempli de brochures périmées : fliers de parcs d'attraction ou prospectus pour zoos, horaires de bus et d'omnibus, plan de la ville datant d'une bonne dizaine d'années quand le tramway qui la traverse aujourd'hui n'était encore qu'à l'état de projet.

    Comme si j'avais eu besoin de me donner une contenance dans ce lieu désert, j'ai ouvert mon carnet de poche. J'y ai écrit le début de ce texte puis je l'ai reposé sur la banquette fleurie et j'ai mangé mon croissant au-dessus de la soucoupe pour ne pas faire de miettes par terre. La viennoiserie était sèche, elle laissait de grands lambeaux de pâte feuilletée. À chaque bouchée, les pétales dorés au jaune d'œuf tombaient à gros flocons. Étant d'un naturel contemplatif, je les ai regardés de très près. Certains avaient des formes extraordinaires. Sur le bord de la porcelaine se découpait très nettement la silhouette d'un dinosaure, peut-être un stégosaure, il faudrait vérifier.

    Quand je suis parti reprendre mon train, je me suis aperçu que j'avais passé un moment agréable à rêver dans cette boulangerie. J'y retournerai un jour avec un ami. Je lui dirai que c'est une bonne adresse, guettant du coin de l'œil sa réaction et lui la mienne pour deviner s'il s'agit là d'une de mes plaisanteries.

dimanche 2 avril 2023

Le Semainier (Mars 2023)



Journal
PoèmeUn
Septain
Semaine
UnHepta
Syllabe
ParJour

Semaine 8, 2023

Route au jour fantomatique
L'agneau noir pataud se lève
Mal rasé de mauvais poil
À grands bouillons d'idées claires
Douceur de sa tempe argent
Mal acidulé de l'aphte
Du soir au matin sans nuit

Semaine 9, 2023

Travaillé au son du vent
Des ronciers brunis de froid
Matin doré à - 4
Bruit lancinant d'un moteur
Terrain vague aux moineaux vifs
Tags dans la nuit du métro
Bidonville en bord de route

Semaine 10, 2023

Les quatre agneaux cabriolent
Joies du chien en arrivant
Moiteur de la bruine épaisse
En tailleurs, tout au silence
Regard noir du chat trempé
Fumet strident, vaporeux
Un geai noir d'encre immobile

Semaine 11, 2023

Café froid. Chant d'oiseaux brefs
L'éclaircie rompt le vent brut
Ce matin, six agneaux, six !
Travaux pressés par la joie
Saoul du parfum de la cire
Fatigue hostile au repos
Allons voir la croix percée

Vieil océan, ballade (I,9)

À Kevin Saliou                                                        Vieil océan de cristal bleu, Hématome azuré du monde Marquant la pea...