dimanche 18 mai 2025

Anatomie du siège des passions


 



Le cœur a deux faces,
ces deux ventricules
voisins par le sang,
lointains par le sens,
qu’on entend se battre :


Diastole
preux
Systole
creux

Diastole
exalte
Systole
contracte

Diastole
peiné
Systole
veiné

Diastole
altière
Systole
artère

Diastole
émotion
Systole
pulsation

Diastole
poétique
Systole
organique

Diastole
téméraire
Systole
musculaire

Diastole
tendre et hardi
Systole
tachycardie

Diastole
mélancolique
Systole
hypertrophique

Diastole
les sens l’émeuvent
Systole
il meut le sang

Diastole
vif et romantique
Systole
viscoélastique

Diastole
sensible et fragile
Systole
tissu contractile

Diastole
aimable et sincère
Systole
fibromusculaire

Diastole
il est d’or ou de pierre
Systole
il porte un pacemaker

Diastole
se livre à cœur ouvert
Systole
s’opère à cœur ouvert

Diastole
il bat chez le philanthrope
Systole
il bat dans un stéthoscope

Diastole
quand il remue le fond de l’âme
Systole
qu’en dit l’électrocardiogramme ?
 
 
 

dimanche 11 mai 2025

Offres d'emploi

 



Nous recherchons activement ces profils :

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- Chausseur / chausseuse spécialisé.e dans la pompe à chaleur orthopédique
- Aide à la personne en situation d’isolation thermique (H/F)
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- SDF à haut niveau de service.

Sérieux / sérieuse, s’abstenir.


dimanche 4 mai 2025

Assis sur un trône, triolet (II,8)

 



Dans le ciel, assis sur un trône
formé de fange humaine et d’or,
le Créateur siège, orgueilleux.
Dans le ciel, assis sur un trône,
le corps couvert d’un vieux linceul,
le Créateur dévore un homme
dans le ciel, assis sur un trône
formé de fange humaine et d’or. 


dimanche 27 avril 2025

L'œil

 

 
L’œil est la tête
Il pense
L’œil est le cœur
Il bat
L’œil est le nez
Il sent
L’œil est la bouche
Il parle
L’œil est le pied
Il marche
L’œil est la jambe
Il court
L’œil est la dent
Il croque
L’œil est le torse
Il bombe
L’œil est la main
Il tient
L’œil est le doigt
Il montre
L’œil est le corps

Mon œil.
 
 

dimanche 20 avril 2025

Une heure à tuer

 


    — Voilà comment ça s’est passé. C’était hier après-midi, je remontais la grande rue marchande. Je ne faisais rien de précis. Je flânais. Je passais devant les vitrines, les mains dans les poches. Pas assez riche pour rentrer dans les magasins, mais pas assez pauvre non plus pour m’en détourner. J’aime bien marcher en centre-ville. Il y a foule, et pourtant vous êtes seul, complètement seul. C’est comme une sorte d’ennui qui sait se distraire tant qu’il trouve de quoi marcher devant lui.
    — Allez au fait. Que s’est-il passé ?
    — J’en étais là de ma promenade quand une vieille femme descend la rue. Nos regards se croisent. Elle avait l’œil méchant, la bouche amère. Elle me dit comme ça : « Il vous reste une heure à vivre. » Sa phrase terminée, elle était déjà dans mon dos. Je me retourne sur son passage, un peu abasourdi. Une heure à vivre… Une heure à vivre… Qu’est-ce que ça peut lui faire à cette vieille qu’il me reste une heure à vivre ?
    — Et qu’avez-vous fait ?
    — Je me suis dirigé dans un café où j’ai mes habitudes. J’ai commandé, mais le serveur m’a dit : « Excusez-moi, il ne vous reste plus qu’une heure à vivre. Si vous pouviez penser à régler avant… » Je me suis mis en colère. Franchement, il y avait de quoi ! Pour couper court, le serveur m’a conseillé de passer dans une de vos boutiques. Celle qui est en bas de la rue.
    — Et vous n’y êtes pas allé.
    — Non. Il y a toujours de la queue à cette heure et je n’avais plus de temps à perdre.
    — Vous auriez dû appeler le numéro d’urgence.
    — Pour attendre vingt minutes avant d’avoir un conseiller ?
    — Bon, qu’avez-vous fait ensuite ?
    — J’ai payé, j’ai bu mon verre et j’ai fait mon tour, comme si de rien n’était.
    — Et où êtes-vous allé ?
    — J’ai marché sans direction précise. Rentrer chez moi m’aurait pris trop de temps.
    — Sans vouloir être insistant, je pense que vous auriez dû nous contacter.
    — Peut-être. À la place j’ai trouvé un banc dans un parc. À ce moment-là il devait me rester un peu moins d’une minute de sursis. Je me suis assoupi et vous connaissez la suite.
    — Oui, la procédure habituelle. Bon, écoutez, comme c’est la première fois que ça vous arrive, je vous propose de remettre les compteurs à zéro. De votre côté, essayez d’être réglo. J’ai l’impression que vous avez déjà perdu beaucoup de temps. Il va falloir être économe à l’avenir. Avez-vous déjà essayé de vous tenir à un emploi du temps strict ?
    — Oui, mais ça ne dure jamais bien longtemps. Après une semaine, je me remets à flâner.
    — Si vous voulez durer, il va falloir que vous acceptiez d’être un peu plus discipliné.
    — J’ai toujours été comme ça avec le temps, je ne regarde pas à la dépense. Dès que j’ai un moment à moi, hop ! je le laisse filer. Je dois y trouver une sorte de bonheur, de plénitude.
    — Mais vous le savez autant que moi, ça a un prix. Estimez-vous heureux qu’on vous ait remis les pendules à l’heure gratis. Vous allez repartir avec un an d’existence. Soit 8 760 heures. On peut arrondir à 9000 si vous acceptez de travailler pour nous le week-end et les jours fériés.
    — Il y aura des vacances ?
    — Oui, s’il vous reste suffisamment de temps. Dans ce cas, je vous conseille de travailler à la tâche plutôt qu’à l’heure, c’est plus rentable. Travailler à l’heure et moins fatigant, mais vous ne ferez aucune économie.
    — Ah.
    — Vous trouverez dans cette enveloppe votre contrat de travail. Il y a trois mois de préavis. On commence par un contrat à durée déterminée, dans votre cas un an, et, si ça se passe bien, si vous convenez, on passera au contrat à durée indéterminée.
    — Indéterminée ? Comment ça ?
    — Eh bien, sans fin.
    — Sans fin ?
    — À moins que vous ne souhaitiez déjà nous quitter.
    — Non, mais « sans fin »… C’est possible ça ?
    — Oui, c’est ce qu’on appelle l’éternité. Vous seriez en quelque sorte notre salarié pour des siècles et des siècles. Inutile de signer le contrat. Il est déjà effectif. Allez travailler, l’heure tourne.
 
 

dimanche 13 avril 2025

Ficus

 


Fruitier. Un rien lui suffit.
Il pousse au bord des sentiers.
Gris d’écorce, à fruits bouffis :
Un gourmand les mange entiers ;
Ils sont délicieux confits
Et l’insecte est leur moitié,
Réfugié qui nidifie.


dimanche 6 avril 2025

Dans un bosquet, haïku (II,7)




Là, dans un bosquet,
Entouré d’herbe et de fleurs,
Dort l’hermaphrodite.

 

 

Anatomie du siège des passions

  Le cœur a deux faces, ces deux ventricules voisins par le sang, lointains par le sens, qu’on entend se battre : Diastole preux Systole cre...