dimanche 26 octobre 2025

Volume horaire, août 2024 (4/12)

 
 Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures.
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.

 

La Fontaine (Chaufour), le 02/08/24 à 14h54        

Après un demi-hectare de tonte,
je fais un écart pour épargner
deux belles marguerites sur mon passage,
attendri par leurs grands yeux effarés. 

Au comptoir de la sirène (Le Mans), le 03/08/24 à 10h35        

Un vieux, canne à la main,
prend le soleil devant un magasin
affichant en grosses lettres « Déstockage total ».
Sa femme sort les mains vides.

Halte fluviale de Juigné, le 04/08/24 à 13h16        
 
Les jeunes feuilles de l’aulne,
d’un vert tendre et gras,
rivalisent de fraîcheur avec l’eau
de la Sarthe et ses nénuphars.
 

Les Rues (Coulans), le 05/08/24 à 17h20        

Dans le chemin creux, le long
de la zone pavillonnaire, un bruit,
ou plutôt un chant d’oiseau
plaintif, lugubre. C’est une balançoire.

Parc du château de Courteille, le 06/08/24 à 18h44        

Tapie dans l’herbe et blanche,
j’ai cru que c’était
une vesce de loup en été
cette petite coquille d’œuf fendillé.

Coco plage (Sillé), le 08/08/24 à 15h52        

Un homme entouré de touristes étrangers
porte sur le bras un perroquet.
Le public lui demande l’âge
de Coco. « Forty three. » répond-il.

La Moncesière, le 09/08/24 à 13h01        

Sur mon vieux pantalon de travail,
un insecte a pris pour congénère
une petite tache sur mon genou.
Leurs échanges sont de courte durée.

Château de Courteille, le 11/08/24 à 13h59        

Dans un grand vase en cristal
oublié dehors, un lézard est mort.
Il a dû tomber au fond
ce matin, attiré par la rosée.

Dans mon bureau, le 12/08/24 à 11h34        

Je vois passer devant ma fenêtre
l’ascension des graines de pissenlit,
des flocons portés par les courants
chauds. Il neige à l’envers.

Dans le salon, le 13/08/24 à 00h08        

En rentrant tard à la maison
laissée fenêtres ouvertes pour la fraîcheur,
on retrouve au sol un criquet
et au plafond des éphémères immobiles.

Le Lude, le 15/08/24 à 15h44        

Chez un brocanteur qui vendait cher,
je n’ai pris ni livre,
ni plume de calligraphie, ni rien.
J’ai acheté avec les yeux.

Forêt de Bercé, le 16/08/24 à 13h58        

Aussi vieux que la Révolution française,
le chêne Lorne, avec sa souche
griffue comme un pied de poule,
a quelque chose du coq gaulois.

Par la fenêtre du salon, le 17/08/24 à 11h33        

La pluie qui tombe en continu,
par gouttes égales et bien pesées
sur la bâche de la serre,
pétille comme un feu de bois.

Café Joseph (Rennes), le 19/08/24 à 10h38        

Assis en terrasse d’un café
qui n’existait pas du temps
de mes années rennaises, je fixe
la nouvelle gare comme un mirage.

Bohars, le 20/08/24 à 8h40        

La fenêtre ouverte à trois battants
découpe la pluie, le pin maritime
et le reflet de la lampe
en un triptyque d’inspiration japonaise.

L’Horizon sonore (Brest), le 24/08/24 à 00h03        

Sur un air de guitare folk
qui sonne faux dans la musique
ambiante, un ivrogne fait des vocalises.
Au comptoir, personne ne l’écoute.

Les Liniou (au large de Lanildut), le 25/08/24 à 17h31        

Devant six cormorans sur un rocher,
le pêcheur en zodiac a remonté
un lieu jaune et un maquereau
frétillant comme une feuille de saule.

Domaine des Capucins (Landerneau), le 26/08/24 à 15h44        

J’étudie la démarche des visiteurs,
leur pas lent, leurs bras croisés,
leur ennui qui prend la pause,
devant les photos de Cartier-Bresson.

Au lit, le 29/08/24 à 10h18        

Depuis le lit défait je regarde
sans mes lunettes le ciel flou,
blanc, nuageux. La journée m’attend
et tout reste encore à faire.



dimanche 19 octobre 2025

Volume horaire, juillet 2024 (3/12)

 
Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures.
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.
 


 
Au jardin, le 01/07/24 à 13h10        

Un ciel couvert et du vent,
un soleil qui chauffe un peu
puis s’éteint sous un nuage :
l’été se fait porter pâle.


La Fontaine (Chaufour), le 02/07/24 à 15h07        

Je cisaille le long des lices
du cirse commun, ces chardons géants
qui tombent au sol avec lenteur
sous l’œil indifférent des chevaux.


Dans la cuisine, le 03/07/24 à 14h03        

À mon oreille droite, le bruit
blanc de la maison qui vit,
à mon oreille gauche, les sons
du dehors. Le silence en stéréo.


Au jardin, le 04/07/24 à 15h29        

Allongé sur l’herbe au soleil,
malgré le calme et la quiétude,
les yeux fermés à contre-jour,
sous mes paupières, je vois rouge.


Au jardin, le 05/07/24 à 9h25        

Je fais le tour des plantes
pour voir si elles vont bien,
pour voir si je vais bien
rien qu’à les regarder pousser.


Le Cellier (place du village), le 07/07/24 à 12h42        

Au déjeuner, V. et moi mangeons
des prunes achetées à l’épicerie.
Elles ne sont pas aussi bonnes
que les sauvages cueillies en chemin.


Camping l’Orée des Boires (Orée d’Anjou), le 08/07/24 à 7h58        

Se réveiller au son des gouttes
de pluie sur la tente igloo.
S’en inquiéter d’abord puis
se rendormir au son des gouttes.


Boulangerie de Coulans, le 11/07/24 à 11h33        

Deux enfants demandent à un monsieur
comment s’appelle son vieux chien,
un grand labrador à poils noirs.
« Il s’appelle Fantômas, vous connaissez ? »


Bois de Coulans, le 13/07/24 à 16h23        

En plein soleil, à l’orée
du bois, les mûres précoces ont
un goût vieilli de vin rouge.
Un avant-goût d’été finissant.


Au jardin, le 14/07/24 à 20h42        

En s’éloignant du soleil couchant,
une mongolfière survole la ferme abandonnée.
Le gaz des brûleurs souffle bruyamment,
comme un cheval qui s’émouche.


Dans la salle de bain, le 15/07/24 à 15h20        

Minutieusement, à la pince à épiler,
je retire mes premiers poils blancs
– cinq – de ma barbe d’été.
C’est une vieillesse toute neuve.


Au jardin, le 16/07/24 à 12h10        

Semer des noyaux de prunier sauvage
encore humides et glissants de chair
en les propulsant au hasard, pressés
entre le pouce et l’index.


Jardin des Plantes (Le Mans), le 21/07/24 à 16h42        

Un châtaignier, des parasols, une guinguette
aux chaises rouges Miko, des passants
qui s’arrêtent acheter une glace.
Tous grands-parents ou petits-enfants.


Allée de Courteille, le 22/07/24 à 18h28        

Sous un noyer au feuillage ajouré
on s’abrite d’une averse
qui fait ressortir le parfum électrique
des pierres sèches tachées de gouttes.


Dans la cuisine, le 23/07/24 à 12h11        

Entre le poivrier et la cafetière,
sur un fond de musique Renaissance,
on joue une partie de Yam
en vitesse avant d’aller travailler.


Fresnay-sur-Sarthe, le 25/07/24 à 8h08        

Réveillé au chant soudain des oiseaux,
portières ouvertes, dans le coffre aménagé
de la voiture. Le matelas attendait
cet instant pour paraître enfin confortable.


Au lit, le 27/07/24 à 00h21        

Dormir demande encore trop d’effort.
Il faut croire que je préfère
rêvasser que rêver, somnoler que sommeiller.
Songeur, loin du pays des songes.


Rue de la Fuye (Laval), le 28/07/24 à 16h26        

Chez les voisins, derrière les forsythias,
deux gamins shootent dans un ballon.
« J’arrive à dix-mille jongles. »
dit l’un. Ennui d’été.
 

dimanche 12 octobre 2025

Volume horaire, juin 2024 (2/12)

 

Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures.
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.

 
 
 
Dans le jardin, le 2/06/24 à 16h13        

En paillant l’allée toute enherbée
de la serre en plein soleil,
mes lunettes s’embuent de sueur
et je vois l’été double.


La Fontaine (Chaufour), le 4/06/24 à 14h38        

Les chiens aboient après une guêpe
qui grésille, piégée dans la véranda.
Je l’abats d’un revers
de gant de jardinage. Quel silence !


La Fontaine (Chaufour), le 9/06/24 à 9h06        

Un nuage de moucherons se forme
au-dessus d’une épuisette abandonnée.
Une abeille bourdonne dans la lavande
tandis que j’ouvre Les Misérables.


À mon bureau, le 10/06/24 à 11h58        

Le visage enfoui dans mon coude
pour ne plus penser à rien,
je sens le pouls du curseur
qui clignote dans la phrase délaissée.


À mon bureau, le 11/06/24 à 9h51        

J’écris en écoutant des ouvriers
travailler, remuant sable et ciment frais,
tout en gueulant des ordres inaudibles
qui, de loin, me semblent adressés.


Café du midi (Chaufour), le 12/06/24 à 10h55        

Les chansons niaises à la radio,
le bruit continu des poids lourds
qui passent en couvrant les discussions
de comptoir forment une harmonie légère.


Chez L. et B.V. (Sillé), le 13/06/24 à 18h24        

Sur la table de la véranda,
une nature morte : cinq petites assiettes
Bouillon Chartier, cinq éclairs au café,
deux bouteilles, cinq flûtes de cristal.


Le Biorek brestois, le 15/06/24 à 13h16        

À la table voisine, un homme
drogué, maigre et les yeux jaunes,
feuillette en discutant avec son fils
un livre sur l’Égypte ancienne.


Le Hangart (Coulans), le 21/06/24 à 21h35        

La fraîcheur du solstice d’été
le soir, lors d’un concert
moyen de fête de la musique,
quand le public danse de froid.


Au jardin, le 23/06/24 à 11h06        

Tous les deux nous restons lire
sous le parasol, dont l’ombre
est une île à l’abri
de l’écrasante douceur de l’été.


Jardin de G. et W., le 24/06/24 à 17h26        

Le balayage chantant de la faux
quand le fil de la lame
passe et repasse dans l’herbe
qui se couche en bouquets blonds.


Dans la cour, le 26/06/24 à 16h56        

En frottant un brin de romarin
entre le pouce et l’index,
je lis un manuel de géologie
décrivant la formation de la lune.


La Fontaine (Chaufour), le 27/06/24 à 13h43        

Il fait si chaud et lourd
que ma casquette libère un parfum :
l’odeur sucrée de la lessive
d’hier faite à la main.


Jardin Victor Hugo (Le Mans), le 28/06/24 à 16h08        

Je feuillette mes achats du jour
tranquille sous un métaséquoïa de Chine.
Sur le banc, roulée en boule,
la veste oubliée d’un enfant.

dimanche 5 octobre 2025

Volume horaire, mai 2024 (1/12)

 
Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures.
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.
 

 
 
À mon bureau, le 01/05/24 à 19h30        

Du matin au soir le ciel
est resté gris. Il a plu.
J’écris le front chaud de
ne pas avoir pris l’air.


Dans la cuisine, le 07/05/24 à 11h12        

En attendant que l’eau bouille,
je regarde le vol des rapaces,
tout en cercles et en volutes.
Le ciel paraît bas de plafond.


Dans la serre, le 08/05/24 à 13h58        

La serre en forme de voûte,
constellée par la condensation qui brille,
ressemble à un plafonnier de gouttes
glacées au milieu de la fournaise.


À mon bureau, le 13/05/24 à 12h19        
        
Une abeille est entrée en trombe
par la fenêtre et vole bruyamment
autour des rayonnages de la bibliothèque
pour faire des livres son miel.


Dans le salon, le 14/05/24 à 7h52        

Lire le journal d’Huguenin avant
d’aller étendre une lessive et
de s’occuper des semis. Après
ça, trouver le temps d’écrire.


Laval (Grande rue), le 15/05/24 à 18h44        

Seul devant un pas-de-porte,
un petit garçon tient une paille.
En me voyant passer, il dit :
« Je vais aspirer tout le monde ! »


À mon bureau, le 16/05/24 à 11h29        

J’écris en écoutant les oiseaux
piailler. Elle est loin l’époque
où je fréquentais les cafés bruyants
pour écrire au milieu des bavardages.


La Fontaine (Chaufour), le 17/05/24 à 15h28        

Sous le petit appentis, en tailleur,
à l’abri de la pluie.
Laissé en plan sous l’averse,
le bûcheronnage attendra la prochaine éclaircie.


Le Mans (parc de Tessé), le 18/05/24 à 17h51        

Sous les branches du ginkgo biloba,
quatre jeunes branchés jouent au spike ball
sur un fond de musique électro
que la bière blonde rend légère.


Dans la serre, le 19/05/24 à 21h13        

Très peu de limaces ce soir
autour des plants de courges spontanées.
La potentille s’arrache par poignées
et les pousses de chénopodes sauvages.


Dans la cour, le 20/05/24 à 11h08        

Sur le gravier devant le box :
une chaussette orpheline au talon ensanglanté
avec des pattes gantées de cuir.
Une taupe tuée par un chat.


Chez G. et W., le 21/05/24 à 22h17        

Pendant qu’on parle jeux olympiques
et que passent les Beach Boys,
le vieux chat sur son pouf
dort sous une serviette en papier.


Le Mans (rue du Port), le 22/05/24 à 13h26        

Sur une place réservée aux livraisons
gît une patte coupée de pigeon.
Les doigts griffus, bien à plat,
comme une feuille dans un herbier.


Dans la cour, le 25/05/24 à 19h42        

Devant la friteuse, sous un parasol
à l’abri de la pluie.
Les beignets cuisent dans la végétaline
et se retournent comme des poissons.


Laval (rue de la Fuye), le 26/05/24 à 17h34        

Les uns somnolent au salon et
les autres discutent politique à table.
Par la fenêtre ouverte du balcon,
j’entends le chant du coucou.


Dans le lit, le 27/05/24 à 15h46        

Par un silence d’après-midi,
quand fond toute envie de travailler,
nous avons dormi côte à côte
pour que nos rêves se touchent.


La Fontaine (Chaufour), le 28/05/24 à 14h26        

Un cousin affolé pris dans une
toile d’araignée laisse sa patte
et s’envole. La prédatrice arrive
mais délaisse, déçue, le maigre gibier.


Dans la cuisine, le 30/05/24 à 13h47        

La pluie et l’orage plongent
toute la pièce dans l’obscurité.
Vient une éclaircie et de nouveau
intérieur jour, intérieur nuit, intérieur jour.


Coulans (Ferme de La Moncesière), le 31/05/24 à 17h08        

Devant la grange, dans une flaque
boueuse et grande comme une mare,
quatre gamins braillards lancent des pierres
qui font des ploufs sans ricocher.


Volume horaire, novembre 2024 (7/12)

  Quoi qu’on fasse, une journée ne compte que vingt-quatre heures.  Les quatrains suivants s’en accommodent,  tous écrits en vingt-quatre m...