dimanche 10 novembre 2024

Plume à la main, villanelle (II,2)


 

 



Je suis chez moi, j’écris
le soir, plume à la main.
Mes doigts se pétrifient.

Il pleut. Il est minuit.
L’orage éclate au loin.
Je suis chez moi, j’écris,

un éclair fend la nuit,
brise un carreau, m’atteint,
mes doigts se pétrifient.

Foudroyé, je m’écrie
le front en sang : « Gredin !
Je suis chez moi, j’écris,

et toi, tu me défies ! »
Je sens que dans mes poings
mes doigts se pétrifient :

« Grand-Tout, tu m’as meurtri.
Es-tu fier, assassin ?
Je suis chez moi, j'écris,

et toi, tu viens, tu nies
mon travail d’écrivain ?
Mes doigts se pétrifient,

par ta faute, et tu scies
ma face en deux. Eh bien ?
Je suis chez moi, j’écris. »

Des séraphins me prient
de brûler mon bouquin.
Mes doigts se pétrifient.

Le sang a tout sali.
– Sultan ! Ici, mon chien.
Je suis chez moi, j’écris,

Toi, nettoie le tapis
en lapant le sang. Bien.
Mes doigts se pétrifient.

Le bandage est fini.
Mon visage est vilain.
Je suis chez moi, j’écris.

Léman, mon vieil ami,
réchauffe un peu mes mains,
mes doigts se pétrifient.

Grand-Tout, paralysie
ou non, je te préviens,
je suis chez moi, j'écris

et mes doigts se délient.

1 commentaire:

Dans un bosquet, haïku (II,7)

Là, dans un bosquet, Entouré d’herbe et de fleurs, Dort l’hermaphrodite.