lundi 26 août 2024

Sonnet sur écoute : dans un arbre creux


 
 

Dans un pré d’Orée-d’Anjou, le sentier
du GR passe auprès de trois vieux frênes :
le premier se prend pour un baobab,
le deuxième est un vrai Giacometti

tant les bovins ont poli de leur flanc
ce tronc noueux jusqu’à l’os. Le troisième
est caverneux : on tient debout dedans.
Il n’est plus que branchage, écorce et feuilles ;

un peu de vent suffit pour l’animer.
[Le bois est mince, il ploie, il craque, il grince
comme un panier d’osier, comme un trois-mâts.]

La Loire est en bas. [On l’entend couler.
Le bruit de l’eau suit son cours et se jette
au fond du frêne à la sève inaudible.]



le sentier du GR passe auprès de trois vieux frênes

Le bois est mince, il ploie, il craque, il grince

lundi 19 août 2024

Litanie thermique



Du permafrost au flocon rare
Froideur
Steppe et toundra
Froideur
Désert de glace
Froideur
Des grands blizzards aux giboulées
Froideur
Et de la bise à l’avalanche
Froideur
Vide englobant les astres
Froideur
Du zéro absolu jusqu’au glaçon fondu
Froideur
Tapie dans la cendre où blanchit la braise
Froideur
Dans un regard de morgue
Froideur
Au-dessus de l’arctique
Froideur
Se faufilant partout, ventant, neigeant, pleuvant
Froideur
Gardant son sang-froid pour les morts
Froideur
Esprit calculateur, œil sec et bouche amère
Froideur
Bâtisse humide aux courants d’air
Froideur
Orgueil de la jeunesse
Froideur
Discours des orateurs, compétitions, concours
Froideur
Rancœur, rancune, antipathie rentrée
Froideur
Formation, profession et perfection
Froideur
Ce qui n’est pas fraîcheur
Froideur
Blanc, gris, bleu ou terni
Froideur
L’os, le gel et la pierre
Froideur

Ni frigorifique
Tiédeur
Ni calorifique
Tiédeur
Mercure au repos
Tiédeur
Soporifique
Tiédeur
Froid qui s’échauffe
Tiédeur
Chaud qui décroît
Tiédeur
Moins que fiévreux
Tiédeur
Plus que frileux
Tiédeur
Refroidir
Tiédeur
Réchauffer
Tiédeur
Chaud-froid
Tiédeur
N’est pas que fadeur
Tiédeur
N’est pas que pâleur
Tiédeur
Maître étalon de l’eau
Tiédeur
À l’état liquide
Tiédeur
Sans ébullition
Tiédeur
Propice à la vie
Tiédeur
Tempérée, chambrée, aérée
Tiédeur
Moins que brûlure et plus que glace
Tiédeur
Tiédeur plus froideur c’est encore
Tiédeur
Tiédeur plus chaleur c’est encore
Tiédeur

Pointe aiguë du feu
Chaleur
Poignée amicale
Chaleur
Étoile en fusion
Chaleur
Émanant du cœur
Chaleur
Cachée, captée, calfeutrée, calmée, câlinée
Chaleur
Si le feu s’éteint peu lui chaut
Chaleur
De la douceur fade à la douleur vive
Chaleur
Affection
Chaleur
Passion
Chaleur
En
Chaleur
Escalade emportée ivre et solaire
Chaleur
Fumée sans feu
Chaleur
Qui luit
Chaleur
Qui rougit
Chaleur
Zélée
Chaleur
Colérique
Chaleur
Qui meut
Chaleur
Qui émeut
Chaleur
Humaine


lundi 12 août 2024

Le crapaud, rondel (I, 13)

Je marche à pas lents dans les bois
Parlant, d’un air que tout accuse,
Du chien noyé près d’une écluse
Et que j’ai vu. Qui vient vers moi ?

Infortuné crapaud, c’est toi ?
Vois-tu, ma parole est confuse,
Je marche à pas lents dans les bois,
Parlant d’un air que tout accuse.

Tes bonds, tes yeux sont de guingois,
Vilain crapaud. Quelle est ta ruse ?
N’attends pas de moi des excuses :
Perdu, tout seul et aux abois,
Je marche à pas lents dans les bois. 


lundi 5 août 2024

Sonnet sur écoute : Les Folies Siffait

C’est un parc au terrain étagé en terrasses
laissées à l’abandon. [Des pas dans les fourrés]
Du lierre assiège un mur aux faux airs de rempart
[Le cri lointain d’un train] tout en schiste ardoisé

travaillé en gros blocs. Dessus, des châtaigniers,
si bien enracinés dans ce chemin de ronde,
que leurs troncs sont des tours. [Le convoi passe en trombe,
mêlant l’air et l’acier] Le fort s’effondre et pousse.

Ce lieu défend sa ruine et se ruine en défense
pour résister en vain aux assauts réguliers
des TGV qui vont de Saint-Nazaire à Tours.

[La vibration des rails est un chant de cigales]
[Le silence assourdit sa foulée de jogger]
[Le pépiement des bois reprend, imperturbable.]
 
 

Fin du chant premier (I,14)

Ce Chant- Ci Ce Clôt Là Ne soyez pas sévère Ma Lyre Est Neuve Et Sonne Étrangement