mardi 31 octobre 2023

Monochrome littéraire

Je me trouvais ce matin-là dans un bar de nuit toulousain. Assis, à deux tables devant moi, un vieil homme rédigeait péniblement une lettre sur un guéridon qui prenait, sous les spots criards du plafond, une improbable couleur chewing-gum. Il tenait de sa main gauche un ballon de rosé qu’il portait à intervalle régulier à ses lèvres un peu décolorées, d’un rouge qu’on aurait dit lavé de blanc. Sur son visage de bon vivant, sa peau couperosée avait quelque chose de triste et gai. Il écrivait à la main, le poing serré sur son stylo. Ses doigts crispés semblaient doux comme des guimauves. Il s’arrêta d’écrire pour regarder d’un air morose le mégot de sa cigarette écrasée, toujours fumante, au fond d’un cendrier fait d’une coquille d’ormeau. La nacre du coquillage rosissait à la lueur de la braise.

Il se leva, s’étira et partit payer au comptoir. Le bar allait fermer. Le vieil homme, en attendant que le patron lui rendît la monnaie, contempla d’un air absent l’aube qui gagnait la rue de briques et de tuiles. Je profitai de son absence pour lire, à la dérobée, les deux premiers mots de sa lettre : « Chère Rose »


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