mercredi 31 août 2022

DRAGEONS, partie I : "Les Sept Derniers Jours de Brest" 19/21

 Cet été, découvrez en feuilleton la première partie de mon roman DRAGEONS. Chaque semaine, deux chapitres paraîtront sur ce blog.

Ici, le début du roman

Là, le chapitre précédent

Agenda d’Onésime Malouin, coopérateur de Brest

 

            Lingeri 3 fructôse, forteresse de Salouis

            2h03

Je ne trouve pas le sommeil mais ça ne fait rien : les nuits blanches portent conseil.

 

2h14

Maintenant que je sais que Saul est peut-être partout, j’ai exigé qu’on attrape dans ma chambre tous les moucherons, moustiques et autres saletés.

Quand je pense à Phyllias qui allait me faire un dithyrambe sur Saul ! Mais oui ! Pourquoi ne pas le canoniser, ce saint ? Le canoniser à grands coups de canons en fonte, oui.

Moi, j’aime écraser les mouches avec des boulets.

 

2h35

On vient de m’apprendre qu’un lot d’explosifs manque dans une de nos fabriques. J’espère que c’est une erreur d’inventaire. D’autant que la quantité de poudre volée serait très importante.

 

3h03

Quelque chose me préoccupe : maintenant que nous avons la certitude que Saul rampe comme un cloporte, il s’agirait d’en amasser suffisamment pour les remettre à la forêt. Il faut donner satisfaction aux anciens vecteurs. Il ne faut plus chercher à comprendre. Car à devenir blatte ou ronce, je choisis les ronces. Saul est toujours en train de se mettre dans mes pattes, ou c’est plutôt ses mille-pattes qu’il met en travers de mes jambes.

 

3h33

Surtout, ne rien dire à la population au sujet de la contamination du vecteur. Ne rien dire non plus sur Saul, comme si on ne l’avait jamais retrouvé, ce qui n’est d’ailleurs pas faux. Aucune communication.

 

4h06

Je compte offrir à la forêt le bocal contenant les restes vivants de Saul trouvés dans le cimetière. Il faut nous débarrasser de ces bestioles et les donner en offrande à la forêt. J’espère que ça lui suffira. Même si on ne peut pas s’en faire une alliée (c’est du moins ce que disent les vecteurs) elle saura peut-être me débarrasser de tous les gêneurs de Samartin. La construction des remparts extérieurs est abandonnée, elle devrait facilement s’y engouffrer à présent.

Si elle est capable de mettre le feu à un cimetière, elle doit pouvoir réduire en cendres tout un quartier.

Ce qu’il faut, c’est qu’elle soit de notre côté, consciente ou non de l’être.

 

            4h57

Bill Kerreizh m’apprend qu’une attaque des Guérinois est imminente. Peut-être dès l’aube.

D’après nos indicateurs, une masse sombre et non identifiée manœuvre dans les rues de Samartin. Il pourrait s’agir d’un navire d’un genre inconnu, probablement pirate, aux mains des rebelles. D’après Kerreizh, il est suffisamment petit pour se faufiler entre les immeubles inondés, mais suffisamment imposant pour aborder les remparts de Salouis.

 

5h02

Par mesure de précaution, j’ai demandé à évacuer toute la population de Salouis dans la forteresse. S’ils envahissent notre quartier, ils le trouveront vide et nous pourrons les encercler de l’intérieur par les remparts.

Dans un même mouvement, j’ai demandé à mes hommes de se tenir prêts à la moindre intrusion.


5h31

A part la garde, tout le monde est à l’abri derrière nos murs, nos fossés et nos tours. Tous les ponts sont escamotés. Normalement, nous n’avons rien à craindre de la prochaine attaque. Le noyau de la ville est incassable. La forteresse est imprenable.

Tous mes soldats sont sur le pied de guerre.

 

5h35

Si jamais les choses se compliquent, la nourriture pourrait venir à nous manquer. Il faudra veiller sur les stocks et nous rationner.

Ce que je crains le plus, c’est la destruction de nos usines et de nos fabriques. Je viens de demander le renforcement de la surveillance. Armer chaque veilleur de nuit.

 

5h46

Me méfier de Bill Kerreizh. Il en sait aussi long que moi à présent.

Songer à le liquider s’il le faut, mais dans un premier temps endormir sa méfiance en lui proposant le nouveau poste vacant de chef de la sûreté. Il a paru surpris d’apprendre que j’allais devoir me séparer de Diogène Savète.

Il a bien sûr accepté.

Il a pris illico le commandement de la milice et reste en faction devant les portes Liberté.

 

            6h07

Balancé Diogène dans l’aérostat avec Pol Otenn afin qu’ils aillent porter les échantillons d’insectes à la forêt. Si ces deux-là essayent seulement de revenir vers la ville, je leur ai spécifié que je leur tirerais personnellement dessus.

Pas question de s’approcher des arbres. Je ne veux pas prendre le risque de ressembler à nos vecteurs. D’autres choses m’attendent ici. Et puis Diogène étant l’ex-chef de la sûreté, il lui revenait d’enrayer lui-même cette vague verte. Même si les voies de la forêt sont impénétrables et qu’on ne peut pas discuter avec elle, je compte sur les talents de diplomate de M. Savète. Quant à notre aéronaute, il trouvera bien une clairière où se poser.

Si la population apprend le petit sacrifice que j’ai fait de Diogène, je pourrai toujours arguer qu’il a voulu partir en héros. Si ça marche, je veux dire si la forêt se calme après cet appât d’insectes, tout pourrait tourner à mon avantage. De toute façon, le peuple de Salouis est trop content de se trouver du bon côté des murailles pour mettre ma parole en doute.

 

6h28

            Entendu l’explosion. Les portes Liberté ont volé. Beaucoup de morts.

Je me suis enfermé dans la tour César.

Enfilé un heaume et pleuré de rage.

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