lundi 5 septembre 2022

DRAGEONS, partie I : "Les Sept Derniers Jours de Brest" 20/21

 Cet été, découvrez en feuilleton la première partie de mon roman DRAGEONS. Chaque semaine, deux chapitres paraîtront sur ce blog.

Ici, le début du roman

Là, le chapitre précédent

Calepin de Jeannie Negadel, gargotière

 

            Lingeri 3 fructôse, au matin

            Que d’événements !

Déjà, l’autre soir, on a sauvé Loulig. Le chien de Diogène. C’est Léonard, un brave type, qui est allé le chercher près des douves grâce à un reste d’échafaudage.

Entre les inondations et les remparts, je ne comprends pas comment le chien a pu se retrouver à l’extérieur de Brest. Quel dommage qu’il ne puisse pas me raconter ce que devient son maître. En tout cas, j’ai décidé de le garder.

C’est en sympathisant avec Léonard que j’en suis venu à faire partie du groupe d’intervention pour l’attaque de ce matin sur les portes Liberté.

« On aura besoin de tes doigts endurcis par la vaisselle pour tirer sur les bouts et carguer les voiles. Et puis comme tous les Guérinois ont fait vœu de silence, on aura aussi besoin de ta voix forte pour crier les ordres sur le pont. Pendant ce temps-là, je serai à la barre avec Gabriel Boiramage, le capitaine. » il m’a dit.

La mission Capricorne a été un succès.

            Juste avant l’aube, on a mis le cap au sud-ouest et on a navigué dans la rue Jangeau. L’ancienne avenue marchande, bien pentue, était un vrai torrent. Le bâteau-fort passait tout juste entre les immeubles. Juste avant l’embarquement, Léonard avait chargé les soutes de poudre chapardée dans une fabrique à Salouis. Une fois la rue descendue comme un rapide, il a fallu hisser les voiles (le vent soufflait en direction des portes) puis mettre le feu au pont et jeter à l’eau les canots de sauvetage pour nous éloigner au plus vite du bâteau-fort changé en arme dévastatrice. Ramant de toutes nos forces, on a suivi des yeux le navire qui se dirigeait résolument vers les deux portes gigantesques de Liberté.

Il y a eu d’abord un grand boum quand la proue a buté contre l’édifice, puis l’explosion a éclairé tout Salouis. C’est la chute du mat en flammes, cassé net par le choc, qui est venu mettre le feu aux calles chargées de poudre.

Il ne restait plus rien des portes de Salouis. On leur avait cassé la figure et les remparts étaient tout édentés. Le quartier chic pouvait crever la gueule ouverte.

Le nom de la mission « Capricorne » prenait tout son sens : le bâteau-fort était mi-poisson, mi-bélier.

On venait de mettre un pied au premier étage d’un immeuble désaffecté dans une rue adjacente à la rue Jangeau. Juste à temps, car au même moment, un courant fort a commencé à déporter nos canots. La brèche énorme qu’on venait d’ouvrir agissait comme une bonde, et la cuvette qu’était devenue le reste de Brest se vidait dans Salouis.

« On a fait d’une pierre deux coups. Salouis vient de perdre une bataille et Samartin vient de retrouver ses trottoirs et ses routes. Liberté portait bien mal son nom avec sa herse et ses grands murs. » a dit Léonard. A la mine que je faisais en pensant aux morts qu’avait dû causer cette attaque éclair, Gabriel Boiramage m’a écrit sur son ardoise : « Ils ont sûrement évacué tout Salouis dans la forteresse. Le vol de poudre n’a pas dû passer inaperçu. Ce sera juste un coup de plus à l’orgueil d’Onésime : ses industries métallurgiques sont foutues. Il n’a plus qu’à se terrer dans sa forteresse. »

Je me faisais quand-même du souci, notamment pour Diogène. « Tiens, c’est bien ce qu’on disait, Jeannie. Ils envoient déjà leur aérostat de reconnaissance. Le même qu’on a criblé de plomb, saineri dernier ! En attendant, il vaudrait mieux nous planquer dans cet appartement. A l’heure qu’il est, ma tête doit coûter cher : le patron de la fabrique de poudre de Salouis ne va pas tarder à comprendre que c’est son employé, un certain Léonard, dit « le rusé », qui a fauché un stock d’explosifs. Pour faire un coup pareil, ça valait presque la peine d’être exploité par Salouis, non ? » a dit Léonard.

            Avec le siège qui se prépare, je vais devoir reprendre du service. Il faut bien une gargotière pour les rations de combat.

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