ton rire
seul à seul
tiens
haut ta
peur de
vivre à
bout de
bras
que rien ne
te pèse
Ces jours-ci, j’écrirai à mes amis
pour les remercier de ces bons moments
que j’ai pu passer en leur compagnie.
Ce sera simple et sans grand sentiment.
Un petit mot, un rien à peine écrit.
Ni vous ni moi n’avons été distants.
Nous avons grandi, nous avons vieilli
en nous éloignant. J’y pensais souvent
ces jours-ci,
en marchant le soir, en rêvant la nuit.
Qui a coupé les ponts sinon le temps ?
Vous tous, éparpillés dans le pays
et sans doute occupés par vos vies, quand
vous m’aurez-lu, m’écrirez-vous aussi
ces jours-ci ?
En trente ans, j’ai vécu autant que dix souris.
À trente ans, je suis un chat de quatre ans.
En trente ans, j’ai vécu autant que six grenouilles.
À trente ans, je suis un chien de trois ans.
En trente ans, j’ai vécu autant que trois corbeaux.
À trente ans, j’ai vécu la vie d’un ours.
En trente ans, j’ai vécu autant que six-cents mouches.
À trente ans, je suis un vieil éléphant.
En trente ans, des milliers de générations d’éphémères ont passé.
À trente ans, je suis une jeune tortue.
À trente ans, je suis un vieux palmier.
À trente ans, je suis un prunelier qui se meurt.
À trente ans, je suis un peuplier qu’on abat.
À trente ans je suis un petit chêne.
En trente ans, Saturne a fait sa révolution autour du soleil.
En trente ans, il y a eu cinquante-et-une éclipses solaires.
Le règne de Clovis a duré trente ans.
Le règne de Gontran a duré trente ans.
J’ai duré autant que la Guerre de Trente ans.
À trente ans, Rimbaud marchait dans le désert.
En trente ans, j’ai connu un septennat.
En trente ans, j’ai vécu quatre quinquennats.
À trente ans, j’ai vécu dix-mille-neuf-cent-cinquante-sept jours.
À trente ans, j’ai passé dix-mille-neuf-cent-cinquante-sept nuits.
Et autant de matins, de midis, d’après-midi et de soirs, en trente ans.
En trente ans, j’ai dormi quatre-vint-sept-mille-six-cents heures.
Donc en trente ans, j’ai dormi dix ans.
Donc à trente ans, j’ai vécu vingt ans.
Donc à trente ans, j’ai rêvé dix ans.
À trente ans, j’ai vu passer le temps.
Un départ de forêt au cœur de l'incendie C'est dans l’œil du cyclone Que les coraux se meurent.