Arrachez du lit l’homme en herbe
Quand, sur son visage au repos,
La lèvre est douce, encore imberbe.
Dans le noir, bandez ses yeux clos.
L’enfant crie, saisi par surprise.
Menottez-le, bras dans le dos.
Ne relâchez pas votre emprise :
Griffez ce corps, saignez-le bien
De vos dix doigts crochus en guise
De couteaux. Lapez comme un chien
Son sang, ses pleurs. Concupiscent
Jusqu’au dégoût. Puis, bon chrétien,
Portez secours à l’innocent
À ses yeux bleus, rendez la vue.
Rassurez-le d’un air décent
Afin que, prise au dépourvu,
La proie vous voie comme un sauveur.
(La manigance était prévue.)
Tourner ce crime en sa faveur,
C’est goûter, sans contrepartie,
Du mal et du bien la saveur.
Souffrez pourtant que vous châtie
La victime. Et, sous la torture,
Bourreau, restez à sa merci
Autant que l’éternité dure.
Poème inspiré d'un passage des Chants de Maldoror
par le comte de Lautréamont
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