Nous marchons Vincent et moi
Vers Saint-Léonard-des-bois
Causant de tout et de rien
Cueillant des fruits en chemin
Nous apercevons un arbre, assez tape-à-l’œil,
« C’est un tilleul » je dis, et Vincent « Un chevreuil !
Là, couché dessous, juste à l’ombre et immobile ! »
En effet, l’animal est sur le flanc. Dort-il ?
C’est curieux, il ne s’est pas enfui à notre approche. Il aurait dû nous entendre et bondir. Le chevreuil est farouche et, d’habitude, il ne sort que le soir ou le matin. Sa patte postérieure droite reste figée en l’air, bien parallèle au sol. Son œil est grand ouvert. Il fixe quelque chose dans le feuillage. Intrigués,
Nous sautons le fossé pour passer la clôture
Vincent du bout de l’ongle appuie
Sur le sabot ongulé puis
me dit
« Rigor mortis »
Des mouches d’un beau vert feuille se recueillent sur son pelage qui ne frissonne plus. Elles imposent leurs pattes et font de courtes prières avant de s’envoler pour se poser à nouveau.
On n’entend qu’elles
Tout autour l’herbe est sèche.
Notre bête est morte étranglée par le fil de la clôture. Ses bois se sont pris dedans, il a dû s’électriser. Pris de frayeur, il s’est débattu à tel point que le câble a fini par le tuer.
C’était un jeune mâle. Un brocard. En cette saison, ils migrent seuls à la recherche d’une chevrette.
Je pense à Une charogne de Baudelaire. Je pense au Dormeur du val de Rimbaud. Je me dis, Rosa Bonheur en aurait fait un tableau.
Après une rapide recherche, je m’aperçois que c’est chose faite. La toile s’appelle Un chevreuil dans la forêt. C’est comme si la peintre nous avait précédés.
![]() |
Un chevreuil dans la forêt, par Rosa Bonheur (1822-1899) |
Il faut croire qu'entre-temps le chevreuil a pris une autre pose, et que ses bois ont poussé.
Vincent et moi quittons le champ et
Nous repartons d’un bon pas
Vers Saint-Léonard-des-bois
Causant de tout et de rien
Cueillant des fruits en chemin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire