Un fleuve va fourbu
De son eau grisâtre à peine et sans force
Un léger courant trouble sa face
Il raye la ville qui s'étoile autour
Et puis sa crue renfle et se gonfle de part en part jusqu'aux berges
L'eau relie les villes par ses ponts
Sans faire du tout collier ni boucle ni droite
Jusqu'à la mer
Tout au fond l'étendue de vase est un restant d'atrocités qui
Bues et rebues
S'arrangent et croupissent sans nombre
L'eau n'achève sa course que pour l'emporter sur les cadastres qu'elle exagère
L'air lui fait des efforts
Il plisse au moins les effets du sort quand elle appuie son bras de mer
Sur ses rives et se dégage
Il y a tout du long des arbres qui frémissent
Les racines bec dans l'eau pleines d'algues
L'eau veut un ruban bleu
Plié à plat
D'inégale largeur et qui parcourt sans se lasser son lit d'usures
Après sillon vallonné sans volonté
Qui fluctue à mesure que sa pente de loin en loin le remue
Pas de limon sitôt tombé de la source à l'estuaire
Flottaison qui n'est pas sûre
Chahutée sans roulis étroit marque page entre deux terres
Caduque
Dans la flore
Pas d'abandon ni de rupture
Le fleuve est entré sans arrêt du matin au soir et toujours
Dans la ville
Il est l'entrain il répète mais sans rythme
Il veut il couche un mouvement continu
Concentré
Comme un millier d'hommes sur sa fuite
Un cours d'eau suit sa route
Comme la pluie sait le bas la terre et les flaques
La rivière saboule les roches du galet au sable fin
Les herbes montrent la direction
Peignées mouillées en boules par le courant
Les alevins se frayent un chemin et s'en retournent sans voir
Il y a renfoncé
Un amas de choses indistinctes
Rassurant de faune et de noir pour qui veut s'y fixer
Immobile un pépiement de lumières
Avance et ressasse de l'ombre par endroits
Sans rien piquer le fleuve enrobe
Et détache des monceaux d'arbres morts
Poussant les branches dans ses retranchements
Au fond la rivière fait couler son génie de boue vieille
Le courant est une furie lasse qui sert au vif des flots
Eau qu'importe le tronçon qu'on choisit
Les rus ruissellent
Dessous les frondaisons épaissies par les ronces
D'où pourrissent des troncs qui surnagent
Le tout sans s'échapper
S'applique sur un sable qui lutte et se courbe
Contre le poids du fleuve
C'est la sueur au milieu du dos
Et sa propre gargouille c'est le courant qui va vers l'aval vers ses bestiaux de pierre
Les ports sculptés gueule ouverte pour singer la mer
Le regard vide
Bien qu'un fleuve
L'émeuve
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