dimanche 30 novembre 2025

Volume horaire, janvier 2025 (9/12)


Quoi qu’on fasse, une journée 
ne compte que vingt-quatre heures. 
Les quatrains suivants s’en accommodent, 
tous écrits en vingt-quatre mots.

 


 
La Doucelle (Coulans), le 01/01/25 à 16h11        

Entre le vert sombre des prairies
et le gris couvert du ciel,
l’œil s’arrête avec délice
sur les fruits rouges des églantiers.


Fenêtre du salon, le 03/01/25 à 8h58        

Un ciel bleu flamme de gaz.
À l’horizon, des brûleurs roses.
Une couche de givre est tombée
de tout son poids de plume.


Fenêtre du salon, le 04/01/25 à 14h44        

Ces grandes flaques dans les champs,
ce ciel vide et ces arbres
tout gris, ton sur ton, uniformes.
Un panorama en cul-de-sac.


Route de Saint-Julien, le 05/01/25 à 16h58        

Sous les peupliers trembles, la route
est maculée d’étoiles blanches délavées
par la pluie. Les étourneaux ont
dessiné un ciel terre-à-terre.


Fenêtre de la cuisine, le 08/01/25 à 10h21        

La bruine est tressée de pluie.
Elle suspend un collier de perles
à la vitrine de la fenêtre,
cette joaillerie pour bijoux de grisaille.


Dans la cuisine, le 13/01/25 à 9h24        

Le chant assourdi d’un oiseau
répond à la machine à café
qui chuinte, qui glougloute et soupire.
L’oiseau a le dernier mot.


Bibliothèque de Brains-sur-Gée, le 15/01/25 à 11h31        

Des marelles tracées à la peinture
jaune sur le goudron tout crevassé.
Aucun lieu ne paraît plus morne
qu’une cour d’école déserte.


Fenêtre du salon, le 16/01/25 à 9h30        

Au loin, le champ est sillonné
par les ombres parallèles des pins
noirs d’Autriche. Le soleil rasant,
ce fin laboureur de la lumière.


Rue de Rennes (Laval), le 19/01/25 à 10h56        

J’ai retrouvé dans un bocal
des bonhommes en pâte à modeler
que j’avais faits tout jeune.
Je garde mes souvenirs en conserve.


Fenêtre du salon, le 23/01/25 à 9h44        

Un chat se couche en équilibre
sur la grande palissade du jardin
pour regarder comme depuis un gradin
les parterres à l’avant-scène.


La Matière (Chaufour), le 24/01/25 à 13h11        

Le vent pluvieux fait des vagues,
de l’écume dans les branches
et, dans l’oreille, j’entends
la mer si loin des côtes.


Au jardin, le 26/01/25 à 13h15        

Les crocus dans leur pot bleu
germent comme des crayons de couleur
vert feuille aux mines bien taillées.
Le dessin fleurira dans quelques jours.


Fenêtre de la cuisine, le 27/01/25 à 9h06        

Il pleut tant que le chemin
semble se jeter dans le ciel
comme un fleuve dans la mer.
L’air est poissonneux d’oiseaux.


La Doucelle (Coulans), le 28/01/25 à 16h16        

À travers la haie de troènes
couverte de fruits noirs en grappes,
on aperçoit du gui bien vert,
là-bas, dans les grands peupliers.


Pont du Greffier (Le Mans), le 29/01/25 à 10h25        

La Sarthe déborde sur les chemins
de halage. L’eau couleur sable,
les mouettes et le phare miniature
ont tout d’une grande marée.

dimanche 23 novembre 2025

Volume horaire, décembre 2024 (8/12)


Quoi qu’on fasse, une journée 
ne compte que vingt-quatre heures. 
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.
 
 
 
 
11, rue du Kreisker (Bohars), le 01/12/24 à 13h36        

Le soleil tombé derrière la vitre
du séjour me chauffe le dos
et ses rayons rasants se brisent
net au cristal des verres vides.


La Fontaine (Chaufour), le 02/12/24 à 13h32        

J’ai trouvé devant la porte
un oisillon mort que les chats
ont sûrement tué. Il est beau
comme une fleur de violette séchée.


Dans la cuisine, le 03/12/24 à 10h13        

Une mouche remonte lentement la vitre
sans voler. Elle fait des pauses,
regarde dehors, l’air de dire
« Comment peut-il faire aussi froid ? »


Dans le hameau, le 04/12/24 à 13h10        

Deux moutons blancs, deux moutons noirs
derrière la clôture comme une portée
de musique et ses quatre notes :
deux longues, deux brèves qui bêlent.


Rue des Minimes (Le Mans), le 06/12/24 à 11h26        

Les passants marchent à contre-jour,
aveuglés par un soleil tiède. Pressés,
ils passent devant l’accordéoniste qui
joue dans un pan d’ombre.


Les Grillades (Sillé), le 07/12/24 à 14h30        

Ni vraiment triste, ni vraiment heureux,
un homme seul mange une glace,
cuillerée après cuillerée, consciencieusement, en regardant
sa serviette en papier toute froissée.


Au lit, le 08/12/24 à 01h54        

La bourrasque joue de l’ocarina
et de la flûte en soufflant
sur le toit et la cheminée
sa partition pour instruments à vent.


La Fontaine (Chaufour), le 10/12/24 à 13h28        

Perché sur une échelle, je nettoie
les chéneaux bouchés par ces feuilles
mortes de chêne qui, devenues terreau,
font de ces gouttières des jardinières.


Rue Barbier (Le Mans), le 12/12/24 à 13h05        

Dans la rue en pleins travaux,
un pigeon blanc picore un quignon
de pain qu’il fait tournoyer
sur lui-même comme une toupie.


Au jardin, le 16/12/24 à 15h19        

Vider le seau plein de compost
sous un tas de ronces sèches
et de branches de saule coupées
comme on balaie sous le tapis.


Médiathèque L. Aragon (Le Mans), le 18/12/24 à 14h24        

Coiffé d’une large chapka noire,
un vieillard cherche dans sa poche
de la monnaie. Contre la machine
à café, sa canne est posée.


Depuis la fenêtre, le 19/12/24 à 11h56        

Le vent secoue la cime effeuillée
des chênes balayant de leurs branches
ces petits nuages grisâtres et poussiéreux
qui encombraient le bleu du ciel.


La Fontaine (Chaufour), le 20/12/24 à 13h40        

On dirait des os de baleines
échouées à des kilomètres du rivage
ce tas de branches de bouleau
blanchies, longues et recouvertes de lichen.


À la fenêtre de mon bureau, le 21/12/24 à 11h08        

Sur chaque carreau de la fenêtre,
un carré de condensation trouble encore
le paysage pour n’en garder
qu’un vert humide et flou.


9 allée L. Vincent (Laval), le 22/12/24 à 12h39        

Sous la pluie, deux gros choucas
marchent clopin-clopant devant une pancarte
publicitaire pendant que le vent remue
les fruits tardifs d’un olivier.


Rue des chevaux (Laval), le 26/12/24 à 11h19        

Une odeur de sarment de vigne
brûlé s’échappe de ces cheminées
de grande maison bourgeoise. Mon frère
dit : « Ça sent comme chez mamie. »


Rue du Mans (Conlie), le 27/12/24 à 18h01        

À la nuit tombée, traverser seul
ce grand parking aux néons blancs,
les mains, le dos bien chargés
de courses. Noël paraît si loin.


Fenêtre de la cuisine, le 28/12/24 à 12h06        

Le fagot de branches de saule
perd peu à peu ses feuilles.
D’un blanc polaire, elles ressemblent
à des confettis de ciel composté.


Dans la cuisine, le 31/12/24 à 9h56        

Les deux hémisphères d’une mandarine :
l’un orangé, l’autre recouvert
d’une moisissure blanche. On dirait
la lune à son dernier croissant.
 
 
 

dimanche 16 novembre 2025

Volume horaire, novembre 2024 (7/12)

 
Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures. 
Les quatrains suivants s’en accommodent, 
tous écrits en vingt-quatre mots.
 

 Fenêtre de la cuisine, le 01/11/24 à 16h30        

Le sol est encore trop chaud
pour la brume qui s’est
réfugiée sur la colline. Elle paraît
impatiente de dégourdir ses jambes cotonneuses.


Dans mon bureau, le 03/11/24 à 16h42        

Rien de plus réconfortant qu’entendre
de loin, sans y prêter attention,
les dialogues d’un film regardé
dans la pièce d’à côté.


Rue du port (Le Mans), le 06/11/24 à 11h59        

Par terre, les paquets de cheveux
devant la boutique de ce barbier
et les feuilles mortes du hêtre
sont d’une même couleur brune.


Saint-Julien-le-pauvre, le 09/11/24 à 14h51        

À l’angle d’une grange
où pousse un pied de lilas,
l’empreinte, moulée dans la pierre,
du pied gauche de saint Julien.


La gare (Coulans), le 10/11/24 à 14h48        

« Ça fait toujours énormément de bien
et ça débloque certaines situations compliquées »
dit, à propos de ses pierres,
une lithothérapeute à ses clients dubitatifs.


Au jardin, le 11/11/24 à 16h41        

Le cosmos, le plan de chayotte
et les courges encore bien vertes
passent d’un coup en automne
maintenant que la serre est débâchée.


La Paumerie (Coulans), le 14/11/24 à 16h39        

L’ordre et la géométrie rurales
des champs à perte de vue
n’ont vraiment rien de reposant.
Heureusement, il y a les vaches.


La Fontaine (Chaufour), le 19/11/24 à 14h28        

Ce toucher délicat : l’humidité propre
et la tiédeur pleine de buée
des couteaux, des assiettes, des verres
qu’on sort du lave-vaisselle.


Dans la cour, le 21/11/24 à 9h49        

Sous la neige, le pluviomètre a
des allures de cône glacé saupoudré
de flocons de noix de coco
sur un cornet au goût nature.


Café Lola (Paris), le 22/11/24 à 12h56        

Sous une guirlande de petits drapeaux,
des voyageurs longent en se pressant
une terrasse vide où stationne seulement
un olivier dans son pot géant.


Bercy Gare routière (Paris), le 24/11/24 à 13h36        

Le bruit des valises à roulettes
scande les discussions et les rires
des voyageurs qui attendent leur car
dans la lumière des distributeurs automatiques.


Dans mon bureau, le 26/11/24 à 10h42        

Ce matin, rien n’est écrit.
Le brouillard a voilé le paysage
pour me glisser sous les yeux
cette page blanche d’arbres gommés.


La Fontaine (Chaufour), le 28/11/24 à 13h30        

Dans le tas de bois sec,
les bûches couvent sous l’humus
humide cette braise de combustion vivante
qui maintient la mort au chaud.

dimanche 9 novembre 2025

Volume horaire, octobre 2024 (6/12)

 
Quoi qu’on fasse, une journée 
ne compte que vingt-quatre heures. 
Les quatrains suivants s’en accommodent, 
tous écrits en vingt-quatre mots.
 

 


La Fontaine (Chaufour), le 01/10/24 à 14h43        

La lumière d’or automnale projette
sur le tapis de corde tressée
l’ombre des feuilles de chêne,
réconfortante comme un feu de bois.


La Matière, le 04/10/24 à 13h14        

La route est ponctuée de boue
laissée par une harde de sangliers.
Une toile d’action painting ou
une œuvre éphémère de land art ?


Chez El (Sillé), le 05/10/24 à 15h23        

Les derniers feux de l’été
se consument derrière les persiennes baissées.
Par la porte ouverte, l’automne
s’annonce en coup de vent.


La Petite Pêcherie (Coulans), le 11/10/24 à 18h11        

Sur le mur de la grange,
la vigne vierge tombe en cascade
de feuilles poissonneuses aux écailles couleur
lie-de-vin, pourpre, ultra-violet.


L’entrée, le 13/10/24 à 14h44        

Sur le chauffe-eau, la poussière
prend l’épaisseur de la neige.
Un coup d’éponge tiède la
change en lambeaux de laine effilochée.


La Fontaine (Chaufour), le 15/10/24 à 13h13        

Avec la pelle et la balayette,
j’ai fait tinter le poêle.
Le bruit m’a soudain rappelé
l’horloge de ma grand-mère.


Brains-sur-Gée, le 16/10/24 à 12h08        

Ce n’est pas un papillon,
c’est un pétale de fleur
séché qui pend à un fil
d’araignée balancé par le vent.


Dans la cour, le 17/10/24 à 15h27        

Que sont ces petits pains orangés
par terre ? Ces craquelins émiettés, briochés,
rongés par les limaces ? Des champignons.
Peut-être des paxilles, paxillus involutus.


Résidence Jardin d’Arcadie, le 19/10/24 à 16h11        

Un pied d’amour en cage
dans une jardinière remplie d’eau.
La récolte est dans le vaisselier :
trois fruits secs sur une soucoupe.


Bohars, le 20/10/24 à 9h55        

En écoutant Le Chant du cygne
de Schubert, j’observe aux jumelles
un nid de frelons asiatiques que
le vent fait danser en cadence.


Au Campanella (Brest), le 22/10/24 à 11h37        

La vapeur des tasses de café
rejoint la fumée brumeuse des cigarettes
qui se mêle aux cumulonimbus parfumés
des vapoteuses. Le temps se couvre.


Au Khédive (Le Mans), le 25/10/24 à 10h06        

Un petit vieux rentre tout mouillé
par la pluie et me dit :
« Elle est pas belle l’époque…
Les gens, y dorment ! Y dorment ! »


Dans la cour, le 27/10/24 à 19h04        

En poussant le portail, mon frère
aperçoit dans le gravier, qui brille
d’humidité tant il a plu,
une grenouille. Il part. Elle aussi.


À la fenêtre du salon, le 28/10/24 à 11h27        

Sur le chemin qui s’enfonce
dans la brume, le plumage noir
des corneilles tourne au gris clair
quand elles picorent l’épais brouillard.


La Fontaine (Chaufour), le 29/10/24 à 15h50        

Comme pour éteindre un feu tiède,
je vide un seau de cendres
froides sur ce tas de feuilles
mortes, d’un beau jaune incendiaire.


Brains-sur-Gée, le 30/10/24 à 11h48        

Par-dessus le mur du cimetière
bordé d’une haie d’ormes
dépasse un palmier filiforme et noirci
comme une allumette en plein ciel.


Coulans-sur-Gée, le 31/10/24 à 17h21        

Dans la retenue d’eau grillagée,
creusée tout près de l’autoroute,
vivent deux ragondins et leurs petits.
C’est un zoo sans visiteur.
 
 

dimanche 2 novembre 2025

Volume horaire, septembre 2024 (5/12)

 
Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures.
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.
 

Au salon, le 02/09/24 à 10h38        

Je viens de terminer la lecture
des Misérables. Au loin, le faisan
s’écrie, d’un chant égrillard
et populaire : « Jean Valjean ! Jean Valjean ! »


Le Quotidien (Conlie), le 07/09/24 à 11h25        

Le patron s’active au percolateur.
Une lampe bleue anti-mouche brille.
Sur le bar, quatre pintes vides,
et une tirelire à gros mots.


La Fontaine (Chaufour), le 10/09/24 à 14h20        

Quand on regarde sous le maïs,
c’est une forêt de bambous
très sombre, sans végétation, plantée serrée
pour qu’on s’y perde.


Au lit, le 13/09/24 à 7h13        

L’aube orangée verse au fond
du ciel, comme dans un verre,
un sirop de grenadine aux colorants
décolorés que rien ne trouble encore.


Café du midi (Chaufour), le 14/09/24 à 10h37        

Comme un soleil de haute montagne
qui fait paraître doux le froid,
qui éblouit mais n’aveugle pas,
qui rend tous les sons lumineux.


Saint-Julien le pauvre, le 15/09/24 à 17h04        

Devant la façade de la Renaudière,
un enfant explique à ses parents
que ce château est type Renaissance :
« Il est fait pour être beau. »


Mont-Saint-Jean, le 16/09/24 à 20h21        

Le tintement des cuillers d’argent
dans les assiettes remplies de potironnée
ponctuée d’un peu de crème
pendant que B. allume des photophores.


Au lit, le 17/09/24 à 6h07        

Je rêvais qu’on se mariait
dans un hall de centre commercial.
On dansait habillés comme des mannequins
beaux, bêtes et souriants à pleurer.


Terrasse de Paul (Le Mans), le 19/09/24 à 11h10        

Installé en terrasse pour y lire
Je est un animal de C.
À côté, une famille d’Américains
dont le bébé pleure en français.


La Pâtisserie (Chaufour), le 20/09/24 à 13h18        

Tendu, à l’affût, oreilles levées,
le chien a pris l’apparence
du chevreuil qu’il a senti
tout près du champ de maïs.


La Doucelle, le 22/09/24 à 19h18        

Ruisseau marécageux tracé à main levée,
l’eau de la Gée stagne,
prenant sa source où il pleut
pour se jeter sous un pont.


Le Jet d’eau (Le Mans), le 27/09/24 à 9h02        

Dans un long ricochet d’éclats
lumineux, sur le plateau des tables
et les pavés de la terrasse,
le soleil tombe à mes pieds.


Bouquinerie Exercices de style (Rennes), le 28/09/24 à 15h37        

Le bouquiniste fait un papier cadeau
pour emballer un livre de prestidigitation.
– Vous voulez du bolduc ? – Du bolduc ?
– Vous savez [en moulinant] le truc.


Place Jeanne Laurent (Saint-Jacques-de-la-Lande), le 29/09/24 à 13h06        

Sur la place entourée d’immeubles
poussent un vieux chêne taillé sévèrement,
un séquoïa et un grand marronnier.
Cernés, ils font de la résistance.


Dans mon bureau, le 30/09/24 à 11h07        

Écrire en ayant froid aux mains.
Se désengourdir les doigts de travail,
y trouver une source de chaleur.
La tête ne doit pas geler.


Volume horaire, avril 2025 (12/12)

  Quoi qu’on fasse, une journée  ne compte que vingt-quatre heures.  Les quatrains suivants s’en accommodent,  tous écrits en vingt-quatre...