dimanche 23 mars 2025

L'Imagier (4/4)

 Lien vers L'Imagier (3/4)

 

 Un nid de mousse où couvent
L'os et la suie en boule.
 
 
 
 
Géode ouvrant
Sur l'océan.

 

dimanche 16 mars 2025

Chantier patates

 



Le champ est là,
un peu plus bas.
Un gros tracteur
roule en traçant
dans la parcelle
un sillon large
avec sa herse.
Il faut le suivre
en déblayant
terre et patates
motte après motte
main dans les gants.
Tous, à la file,
d’abord debout
penchés, voûtés
changeant d’appui
d’un pied sur l’autre
puis accroupis
le dos bien rond.
Chorégraphie
amusicale
quasi statique.
Trouver les gestes
et la posture.
Quand ça fatigue
en trouver d’autres
et avancer
dans sa rangée
regard baissé.
(On pourrait croire
qu’on a perdu
un jeu de clés
qu’on cherche en vain.)
Fouiller du pied
pour soulager
le dos, la nuque
et dans la terre
taper d’un coup
de botte et voir
ce qu’il en sort
si quelque chose
de rond, de jaune
roule à nos pieds.
« Mets l’étouffeur !
Mets l’étouffeur
et puis embraye ! »
crie la patronne
au conducteur
d’un Kubota
— ce tracteur nain. —
Le seau se porte
au creux du coude
d’abord léger
puis pesant, lourd.
On le dépose,
on le reprend,
on le remplit
marchant au pas
qu’on scande au son
de la patate
qui tombe au fond
de nos seaux vides
tambour battant.
Quand ils sont pleins,
on les ménage
pour éviter
d’en resemer
un peu partout
et puis surtout
pour éviter
d’avoir encore
à se baisser
pour ramasser.
Quand ils débordent
on les renverse
« Hop ! Attention ! »
dans la remorque.
« C’est enherbé…
c’est ça le bio
sans glyphosate »
me dit quelqu’un.
Quand on commence
le ramassage,
on parle un peu
baissé, penché.
Au bout d’un temps
causer fatigue.
On répond : oui,
non, c’est vrai, ah ?
et on se tait
indifférents
dans le ronron
du tracteur lent
qui fume et sent
le vieux navire.
Après une heure,
la main s’affine
et le toucher
différencie
patate et pierre
jaune-orangée
trop dure et lourde
pour se tromper.
« Ici, y a rien,
c’est mieux là-bas… »
dit ma voisine.
Il faut trier
puis balancer
les trop petites
et les mangées
par les taupins.
Nos gants durcis
de glaise aux doigts
font peau à peau
avec la main
changée en pelle
de chair à vif.
Et on se dit
qu’on a été
la main qui cherche
et qui saisit ;
qu’on a été
la main qui range
dans les cageots
— pour le stockage —
dans les cagettes
— pour le marché —
qu’on a été
l’un des maillons
en bout de chaîne
alimentaire,
femme anonyme,
homme anonyme.
Quand vient la fin
de la journée,
je me déchausse
et j’aperçois,
par la chaussette
qu’il a percée,
mon gros orteil
— patate ultime
de ce chantier.


dimanche 9 mars 2025

Sois rusé, sois fort (II,6)

 


– À quoi tu penses ?
– Je pense au ciel.
– Pense à la terre.

– La terre est moins bonne.
– Le ciel ne vaut rien,
tu serais déçu.

Ses maux sont ceux d’en bas.
Si quelqu’un t’offensait,
fais-toi justice, enfant.

– Mais c’est défendu !
– C’est ce que tu crois.
Sois rusé, sois fort.

Si on te nuit :
punis, domine.
Les lois sont vaines.

La vertu
est étroite.
Vois plus grand.

Victoire
et gloire
sont tout.

Non ?
– Si…
– Bien.
 
 
 

dimanche 2 mars 2025

L'Imagier (3/4)

Lien vers L'Imagier (2/4)
 
 
 
Le ciel poudré d'or fin, tamponné de nuages
Bleutés, rougeauds, pris dans l'automne et son branchage.
 
 
 

 Le fruit, tombé à terre,
Des trois couleurs primaires.
 
 

dimanche 23 février 2025

Sans question-réponse





– Avez-vous quelques minutes à m’accorder ?
– Je suis désolé, je n’ai pas de monnaie…
– Comment avez-vous trouvé votre dernier passage en caisse ?
– Annuler.
– Souhaitez-vous télécharger la mise à jour ?
– Je ne peux pas vous répondre, je suis pressé.
– Désirez-vous un reçu ?
– Me le rappeler plus tard.
– T’as pas une pièce ?
– Oui, je veux bien.
– Enregistrer le document ?
– Très satisfaisant.

– Et avec ceci ?
– Ce sera tout, merci.


dimanche 16 février 2025

L'Imagier (2/4)

 Lien vers L'Imagier (1/4)
 
 

Tapie dans les fourrés, la nuit
Se nourrit de tout ce qui luit.

 

 


Comme une ombre en lévitation
Dans un cratère en éruption.

 

 Lien vers L'Imagier (3/4)

dimanche 9 février 2025

Ruminations

 


Ce monde est fait d’horreur épuisée d’être
Au monde horrifié de faits fatigués
Immonde affreux épuisé affaibli
Qui va de défaite en défaite un monde
Qui part en guerre et puis se perd hagard
Dans l’ombre et va d’erreur en erreur mort
De peur de froid de chaud d’effroi de perte
Immonde affreuse agrandie par l’horreur
Ce monde épuisé d’horreur est peut-être
Un enfer qui gronde et creuse effréné

Au fond du monde atterré terre à terre
Ce monde est inondé d’horreurs d’erreurs
Pas d’objection personne on continue
Sans rejet sans sursaut c’est fait c’est là
Et on creuse encore un peu plus profond
Ce puits sans nom d’erreur faite et refaite
Ce vieux monde a en horreur sa fatigue
Son horreur fatiguée par tant de monde
Dénombrer des peurs débordées de nombres
Sonder le puits sans fond comblé d’horreurs

Ce monde immonde imaginaire est vrai
Ce monde imaginaire immonde est faux
C’est vrai ce monde immonde imaginaire
Est faux c’est vrai ce monde est faux c’est vrai
Il est là ni vrai ni faux c’est un fait. 



L'Imagier (4/4)

 Lien vers L'Imagier (3/4)    Un nid de mousse où couvent L'os et la suie en boule.         Géode ouvrant Sur l'océan.