dimanche 30 novembre 2025

Volume horaire, janvier 2025 (9/12)


Quoi qu’on fasse, une journée 
ne compte que vingt-quatre heures. 
Les quatrains suivants s’en accommodent, 
tous écrits en vingt-quatre mots.

 


 
La Doucelle (Coulans), le 01/01/25 à 16h11        

Entre le vert sombre des prairies
et le gris couvert du ciel,
l’œil s’arrête avec délice
sur les fruits rouges des églantiers.


Fenêtre du salon, le 03/01/25 à 8h58        

Un ciel bleu flamme de gaz.
À l’horizon, des brûleurs roses.
Une couche de givre est tombée
de tout son poids de plume.


Fenêtre du salon, le 04/01/25 à 14h44        

Ces grandes flaques dans les champs,
ce ciel vide et ces arbres
tout gris, ton sur ton, uniformes.
Un panorama en cul-de-sac.


Route de Saint-Julien, le 05/01/25 à 16h58        

Sous les peupliers trembles, la route
est maculée d’étoiles blanches délavées
par la pluie. Les étourneaux ont
dessiné un ciel terre-à-terre.


Fenêtre de la cuisine, le 08/01/25 à 10h21        

La bruine est tressée de pluie.
Elle suspend un collier de perles
à la vitrine de la fenêtre,
cette joaillerie pour bijoux de grisaille.


Dans la cuisine, le 13/01/25 à 9h24        

Le chant assourdi d’un oiseau
répond à la machine à café
qui chuinte, qui glougloute et soupire.
L’oiseau a le dernier mot.


Bibliothèque de Brains-sur-Gée, le 15/01/25 à 11h31        

Des marelles tracées à la peinture
jaune sur le goudron tout crevassé.
Aucun lieu ne paraît plus morne
qu’une cour d’école déserte.


Fenêtre du salon, le 16/01/25 à 9h30        

Au loin, le champ est sillonné
par les ombres parallèles des pins
noirs d’Autriche. Le soleil rasant,
ce fin laboureur de la lumière.


Rue de Rennes (Laval), le 19/01/25 à 10h56        

J’ai retrouvé dans un bocal
des bonhommes en pâte à modeler
que j’avais faits tout jeune.
Je garde mes souvenirs en conserve.


Fenêtre du salon, le 23/01/25 à 9h44        

Un chat se couche en équilibre
sur la grande palissade du jardin
pour regarder comme depuis un gradin
les parterres à l’avant-scène.


La Matière (Chaufour), le 24/01/25 à 13h11        

Le vent pluvieux fait des vagues,
de l’écume dans les branches
et, dans l’oreille, j’entends
la mer si loin des côtes.


Au jardin, le 26/01/25 à 13h15        

Les crocus dans leur pot bleu
germent comme des crayons de couleur
vert feuille aux mines bien taillées.
Le dessin fleurira dans quelques jours.


Fenêtre de la cuisine, le 27/01/25 à 9h06        

Il pleut tant que le chemin
semble se jeter dans le ciel
comme un fleuve dans la mer.
L’air est poissonneux d’oiseaux.


La Doucelle (Coulans), le 28/01/25 à 16h16        

À travers la haie de troènes
couverte de fruits noirs en grappes,
on aperçoit du gui bien vert,
là-bas, dans les grands peupliers.


Pont du Greffier (Le Mans), le 29/01/25 à 10h25        

La Sarthe déborde sur les chemins
de halage. L’eau couleur sable,
les mouettes et le phare miniature
ont tout d’une grande marée.

dimanche 23 novembre 2025

Volume horaire, décembre 2024 (8/12)


Quoi qu’on fasse, une journée 
ne compte que vingt-quatre heures. 
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.
 
 
 
 
11, rue du Kreisker (Bohars), le 01/12/24 à 13h36        

Le soleil tombé derrière la vitre
du séjour me chauffe le dos
et ses rayons rasants se brisent
net au cristal des verres vides.


La Fontaine (Chaufour), le 02/12/24 à 13h32        

J’ai trouvé devant la porte
un oisillon mort que les chats
ont sûrement tué. Il est beau
comme une fleur de violette séchée.


Dans la cuisine, le 03/12/24 à 10h13        

Une mouche remonte lentement la vitre
sans voler. Elle fait des pauses,
regarde dehors, l’air de dire
« Comment peut-il faire aussi froid ? »


Dans le hameau, le 04/12/24 à 13h10        

Deux moutons blancs, deux moutons noirs
derrière la clôture comme une portée
de musique et ses quatre notes :
deux longues, deux brèves qui bêlent.


Rue des Minimes (Le Mans), le 06/12/24 à 11h26        

Les passants marchent à contre-jour,
aveuglés par un soleil tiède. Pressés,
ils passent devant l’accordéoniste qui
joue dans un pan d’ombre.


Les Grillades (Sillé), le 07/12/24 à 14h30        

Ni vraiment triste, ni vraiment heureux,
un homme seul mange une glace,
cuillerée après cuillerée, consciencieusement, en regardant
sa serviette en papier toute froissée.


Au lit, le 08/12/24 à 01h54        

La bourrasque joue de l’ocarina
et de la flûte en soufflant
sur le toit et la cheminée
sa partition pour instruments à vent.


La Fontaine (Chaufour), le 10/12/24 à 13h28        

Perché sur une échelle, je nettoie
les chéneaux bouchés par ces feuilles
mortes de chêne qui, devenues terreau,
font de ces gouttières des jardinières.


Rue Barbier (Le Mans), le 12/12/24 à 13h05        

Dans la rue en pleins travaux,
un pigeon blanc picore un quignon
de pain qu’il fait tournoyer
sur lui-même comme une toupie.


Au jardin, le 16/12/24 à 15h19        

Vider le seau plein de compost
sous un tas de ronces sèches
et de branches de saule coupées
comme on balaie sous le tapis.


Médiathèque L. Aragon (Le Mans), le 18/12/24 à 14h24        

Coiffé d’une large chapka noire,
un vieillard cherche dans sa poche
de la monnaie. Contre la machine
à café, sa canne est posée.


Depuis la fenêtre, le 19/12/24 à 11h56        

Le vent secoue la cime effeuillée
des chênes balayant de leurs branches
ces petits nuages grisâtres et poussiéreux
qui encombraient le bleu du ciel.


La Fontaine (Chaufour), le 20/12/24 à 13h40        

On dirait des os de baleines
échouées à des kilomètres du rivage
ce tas de branches de bouleau
blanchies, longues et recouvertes de lichen.


À la fenêtre de mon bureau, le 21/12/24 à 11h08        

Sur chaque carreau de la fenêtre,
un carré de condensation trouble encore
le paysage pour n’en garder
qu’un vert humide et flou.


9 allée L. Vincent (Laval), le 22/12/24 à 12h39        

Sous la pluie, deux gros choucas
marchent clopin-clopant devant une pancarte
publicitaire pendant que le vent remue
les fruits tardifs d’un olivier.


Rue des chevaux (Laval), le 26/12/24 à 11h19        

Une odeur de sarment de vigne
brûlé s’échappe de ces cheminées
de grande maison bourgeoise. Mon frère
dit : « Ça sent comme chez mamie. »


Rue du Mans (Conlie), le 27/12/24 à 18h01        

À la nuit tombée, traverser seul
ce grand parking aux néons blancs,
les mains, le dos bien chargés
de courses. Noël paraît si loin.


Fenêtre de la cuisine, le 28/12/24 à 12h06        

Le fagot de branches de saule
perd peu à peu ses feuilles.
D’un blanc polaire, elles ressemblent
à des confettis de ciel composté.


Dans la cuisine, le 31/12/24 à 9h56        

Les deux hémisphères d’une mandarine :
l’un orangé, l’autre recouvert
d’une moisissure blanche. On dirait
la lune à son dernier croissant.
 
 
 

dimanche 16 novembre 2025

Volume horaire, novembre 2024 (7/12)

 
Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures. 
Les quatrains suivants s’en accommodent, 
tous écrits en vingt-quatre mots.
 

 Fenêtre de la cuisine, le 01/11/24 à 16h30        

Le sol est encore trop chaud
pour la brume qui s’est
réfugiée sur la colline. Elle paraît
impatiente de dégourdir ses jambes cotonneuses.


Dans mon bureau, le 03/11/24 à 16h42        

Rien de plus réconfortant qu’entendre
de loin, sans y prêter attention,
les dialogues d’un film regardé
dans la pièce d’à côté.


Rue du port (Le Mans), le 06/11/24 à 11h59        

Par terre, les paquets de cheveux
devant la boutique de ce barbier
et les feuilles mortes du hêtre
sont d’une même couleur brune.


Saint-Julien-le-pauvre, le 09/11/24 à 14h51        

À l’angle d’une grange
où pousse un pied de lilas,
l’empreinte, moulée dans la pierre,
du pied gauche de saint Julien.


La gare (Coulans), le 10/11/24 à 14h48        

« Ça fait toujours énormément de bien
et ça débloque certaines situations compliquées »
dit, à propos de ses pierres,
une lithothérapeute à ses clients dubitatifs.


Au jardin, le 11/11/24 à 16h41        

Le cosmos, le plan de chayotte
et les courges encore bien vertes
passent d’un coup en automne
maintenant que la serre est débâchée.


La Paumerie (Coulans), le 14/11/24 à 16h39        

L’ordre et la géométrie rurales
des champs à perte de vue
n’ont vraiment rien de reposant.
Heureusement, il y a les vaches.


La Fontaine (Chaufour), le 19/11/24 à 14h28        

Ce toucher délicat : l’humidité propre
et la tiédeur pleine de buée
des couteaux, des assiettes, des verres
qu’on sort du lave-vaisselle.


Dans la cour, le 21/11/24 à 9h49        

Sous la neige, le pluviomètre a
des allures de cône glacé saupoudré
de flocons de noix de coco
sur un cornet au goût nature.


Café Lola (Paris), le 22/11/24 à 12h56        

Sous une guirlande de petits drapeaux,
des voyageurs longent en se pressant
une terrasse vide où stationne seulement
un olivier dans son pot géant.


Bercy Gare routière (Paris), le 24/11/24 à 13h36        

Le bruit des valises à roulettes
scande les discussions et les rires
des voyageurs qui attendent leur car
dans la lumière des distributeurs automatiques.


Dans mon bureau, le 26/11/24 à 10h42        

Ce matin, rien n’est écrit.
Le brouillard a voilé le paysage
pour me glisser sous les yeux
cette page blanche d’arbres gommés.


La Fontaine (Chaufour), le 28/11/24 à 13h30        

Dans le tas de bois sec,
les bûches couvent sous l’humus
humide cette braise de combustion vivante
qui maintient la mort au chaud.

dimanche 9 novembre 2025

Volume horaire, octobre 2024 (6/12)

 
Quoi qu’on fasse, une journée 
ne compte que vingt-quatre heures. 
Les quatrains suivants s’en accommodent, 
tous écrits en vingt-quatre mots.
 

 


La Fontaine (Chaufour), le 01/10/24 à 14h43        

La lumière d’or automnale projette
sur le tapis de corde tressée
l’ombre des feuilles de chêne,
réconfortante comme un feu de bois.


La Matière, le 04/10/24 à 13h14        

La route est ponctuée de boue
laissée par une harde de sangliers.
Une toile d’action painting ou
une œuvre éphémère de land art ?


Chez El (Sillé), le 05/10/24 à 15h23        

Les derniers feux de l’été
se consument derrière les persiennes baissées.
Par la porte ouverte, l’automne
s’annonce en coup de vent.


La Petite Pêcherie (Coulans), le 11/10/24 à 18h11        

Sur le mur de la grange,
la vigne vierge tombe en cascade
de feuilles poissonneuses aux écailles couleur
lie-de-vin, pourpre, ultra-violet.


L’entrée, le 13/10/24 à 14h44        

Sur le chauffe-eau, la poussière
prend l’épaisseur de la neige.
Un coup d’éponge tiède la
change en lambeaux de laine effilochée.


La Fontaine (Chaufour), le 15/10/24 à 13h13        

Avec la pelle et la balayette,
j’ai fait tinter le poêle.
Le bruit m’a soudain rappelé
l’horloge de ma grand-mère.


Brains-sur-Gée, le 16/10/24 à 12h08        

Ce n’est pas un papillon,
c’est un pétale de fleur
séché qui pend à un fil
d’araignée balancé par le vent.


Dans la cour, le 17/10/24 à 15h27        

Que sont ces petits pains orangés
par terre ? Ces craquelins émiettés, briochés,
rongés par les limaces ? Des champignons.
Peut-être des paxilles, paxillus involutus.


Résidence Jardin d’Arcadie, le 19/10/24 à 16h11        

Un pied d’amour en cage
dans une jardinière remplie d’eau.
La récolte est dans le vaisselier :
trois fruits secs sur une soucoupe.


Bohars, le 20/10/24 à 9h55        

En écoutant Le Chant du cygne
de Schubert, j’observe aux jumelles
un nid de frelons asiatiques que
le vent fait danser en cadence.


Au Campanella (Brest), le 22/10/24 à 11h37        

La vapeur des tasses de café
rejoint la fumée brumeuse des cigarettes
qui se mêle aux cumulonimbus parfumés
des vapoteuses. Le temps se couvre.


Au Khédive (Le Mans), le 25/10/24 à 10h06        

Un petit vieux rentre tout mouillé
par la pluie et me dit :
« Elle est pas belle l’époque…
Les gens, y dorment ! Y dorment ! »


Dans la cour, le 27/10/24 à 19h04        

En poussant le portail, mon frère
aperçoit dans le gravier, qui brille
d’humidité tant il a plu,
une grenouille. Il part. Elle aussi.


À la fenêtre du salon, le 28/10/24 à 11h27        

Sur le chemin qui s’enfonce
dans la brume, le plumage noir
des corneilles tourne au gris clair
quand elles picorent l’épais brouillard.


La Fontaine (Chaufour), le 29/10/24 à 15h50        

Comme pour éteindre un feu tiède,
je vide un seau de cendres
froides sur ce tas de feuilles
mortes, d’un beau jaune incendiaire.


Brains-sur-Gée, le 30/10/24 à 11h48        

Par-dessus le mur du cimetière
bordé d’une haie d’ormes
dépasse un palmier filiforme et noirci
comme une allumette en plein ciel.


Coulans-sur-Gée, le 31/10/24 à 17h21        

Dans la retenue d’eau grillagée,
creusée tout près de l’autoroute,
vivent deux ragondins et leurs petits.
C’est un zoo sans visiteur.
 
 

dimanche 2 novembre 2025

Volume horaire, septembre 2024 (5/12)

 
Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures.
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.
 

Au salon, le 02/09/24 à 10h38        

Je viens de terminer la lecture
des Misérables. Au loin, le faisan
s’écrie, d’un chant égrillard
et populaire : « Jean Valjean ! Jean Valjean ! »


Le Quotidien (Conlie), le 07/09/24 à 11h25        

Le patron s’active au percolateur.
Une lampe bleue anti-mouche brille.
Sur le bar, quatre pintes vides,
et une tirelire à gros mots.


La Fontaine (Chaufour), le 10/09/24 à 14h20        

Quand on regarde sous le maïs,
c’est une forêt de bambous
très sombre, sans végétation, plantée serrée
pour qu’on s’y perde.


Au lit, le 13/09/24 à 7h13        

L’aube orangée verse au fond
du ciel, comme dans un verre,
un sirop de grenadine aux colorants
décolorés que rien ne trouble encore.


Café du midi (Chaufour), le 14/09/24 à 10h37        

Comme un soleil de haute montagne
qui fait paraître doux le froid,
qui éblouit mais n’aveugle pas,
qui rend tous les sons lumineux.


Saint-Julien le pauvre, le 15/09/24 à 17h04        

Devant la façade de la Renaudière,
un enfant explique à ses parents
que ce château est type Renaissance :
« Il est fait pour être beau. »


Mont-Saint-Jean, le 16/09/24 à 20h21        

Le tintement des cuillers d’argent
dans les assiettes remplies de potironnée
ponctuée d’un peu de crème
pendant que B. allume des photophores.


Au lit, le 17/09/24 à 6h07        

Je rêvais qu’on se mariait
dans un hall de centre commercial.
On dansait habillés comme des mannequins
beaux, bêtes et souriants à pleurer.


Terrasse de Paul (Le Mans), le 19/09/24 à 11h10        

Installé en terrasse pour y lire
Je est un animal de C.
À côté, une famille d’Américains
dont le bébé pleure en français.


La Pâtisserie (Chaufour), le 20/09/24 à 13h18        

Tendu, à l’affût, oreilles levées,
le chien a pris l’apparence
du chevreuil qu’il a senti
tout près du champ de maïs.


La Doucelle, le 22/09/24 à 19h18        

Ruisseau marécageux tracé à main levée,
l’eau de la Gée stagne,
prenant sa source où il pleut
pour se jeter sous un pont.


Le Jet d’eau (Le Mans), le 27/09/24 à 9h02        

Dans un long ricochet d’éclats
lumineux, sur le plateau des tables
et les pavés de la terrasse,
le soleil tombe à mes pieds.


Bouquinerie Exercices de style (Rennes), le 28/09/24 à 15h37        

Le bouquiniste fait un papier cadeau
pour emballer un livre de prestidigitation.
– Vous voulez du bolduc ? – Du bolduc ?
– Vous savez [en moulinant] le truc.


Place Jeanne Laurent (Saint-Jacques-de-la-Lande), le 29/09/24 à 13h06        

Sur la place entourée d’immeubles
poussent un vieux chêne taillé sévèrement,
un séquoïa et un grand marronnier.
Cernés, ils font de la résistance.


Dans mon bureau, le 30/09/24 à 11h07        

Écrire en ayant froid aux mains.
Se désengourdir les doigts de travail,
y trouver une source de chaleur.
La tête ne doit pas geler.


dimanche 26 octobre 2025

Volume horaire, août 2024 (4/12)

 
 Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures.
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.

 

La Fontaine (Chaufour), le 02/08/24 à 14h54        

Après un demi-hectare de tonte,
je fais un écart pour épargner
deux belles marguerites sur mon passage,
attendri par leurs grands yeux effarés. 

Au comptoir de la sirène (Le Mans), le 03/08/24 à 10h35        

Un vieux, canne à la main,
prend le soleil devant un magasin
affichant en grosses lettres « Déstockage total ».
Sa femme sort les mains vides.

Halte fluviale de Juigné, le 04/08/24 à 13h16        
 
Les jeunes feuilles de l’aulne,
d’un vert tendre et gras,
rivalisent de fraîcheur avec l’eau
de la Sarthe et ses nénuphars.
 

Les Rues (Coulans), le 05/08/24 à 17h20        

Dans le chemin creux, le long
de la zone pavillonnaire, un bruit,
ou plutôt un chant d’oiseau
plaintif, lugubre. C’est une balançoire.

Parc du château de Courteille, le 06/08/24 à 18h44        

Tapie dans l’herbe et blanche,
j’ai cru que c’était
une vesce de loup en été
cette petite coquille d’œuf fendillé.

Coco plage (Sillé), le 08/08/24 à 15h52        

Un homme entouré de touristes étrangers
porte sur le bras un perroquet.
Le public lui demande l’âge
de Coco. « Forty three. » répond-il.

La Moncesière, le 09/08/24 à 13h01        

Sur mon vieux pantalon de travail,
un insecte a pris pour congénère
une petite tache sur mon genou.
Leurs échanges sont de courte durée.

Château de Courteille, le 11/08/24 à 13h59        

Dans un grand vase en cristal
oublié dehors, un lézard est mort.
Il a dû tomber au fond
ce matin, attiré par la rosée.

Dans mon bureau, le 12/08/24 à 11h34        

Je vois passer devant ma fenêtre
l’ascension des graines de pissenlit,
des flocons portés par les courants
chauds. Il neige à l’envers.

Dans le salon, le 13/08/24 à 00h08        

En rentrant tard à la maison
laissée fenêtres ouvertes pour la fraîcheur,
on retrouve au sol un criquet
et au plafond des éphémères immobiles.

Le Lude, le 15/08/24 à 15h44        

Chez un brocanteur qui vendait cher,
je n’ai pris ni livre,
ni plume de calligraphie, ni rien.
J’ai acheté avec les yeux.

Forêt de Bercé, le 16/08/24 à 13h58        

Aussi vieux que la Révolution française,
le chêne Lorne, avec sa souche
griffue comme un pied de poule,
a quelque chose du coq gaulois.

Par la fenêtre du salon, le 17/08/24 à 11h33        

La pluie qui tombe en continu,
par gouttes égales et bien pesées
sur la bâche de la serre,
pétille comme un feu de bois.

Café Joseph (Rennes), le 19/08/24 à 10h38        

Assis en terrasse d’un café
qui n’existait pas du temps
de mes années rennaises, je fixe
la nouvelle gare comme un mirage.

Bohars, le 20/08/24 à 8h40        

La fenêtre ouverte à trois battants
découpe la pluie, le pin maritime
et le reflet de la lampe
en un triptyque d’inspiration japonaise.

L’Horizon sonore (Brest), le 24/08/24 à 00h03        

Sur un air de guitare folk
qui sonne faux dans la musique
ambiante, un ivrogne fait des vocalises.
Au comptoir, personne ne l’écoute.

Les Liniou (au large de Lanildut), le 25/08/24 à 17h31        

Devant six cormorans sur un rocher,
le pêcheur en zodiac a remonté
un lieu jaune et un maquereau
frétillant comme une feuille de saule.

Domaine des Capucins (Landerneau), le 26/08/24 à 15h44        

J’étudie la démarche des visiteurs,
leur pas lent, leurs bras croisés,
leur ennui qui prend la pause,
devant les photos de Cartier-Bresson.

Au lit, le 29/08/24 à 10h18        

Depuis le lit défait je regarde
sans mes lunettes le ciel flou,
blanc, nuageux. La journée m’attend
et tout reste encore à faire.



dimanche 19 octobre 2025

Volume horaire, juillet 2024 (3/12)

 
Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures.
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.
 


 
Au jardin, le 01/07/24 à 13h10        

Un ciel couvert et du vent,
un soleil qui chauffe un peu
puis s’éteint sous un nuage :
l’été se fait porter pâle.


La Fontaine (Chaufour), le 02/07/24 à 15h07        

Je cisaille le long des lices
du cirse commun, ces chardons géants
qui tombent au sol avec lenteur
sous l’œil indifférent des chevaux.


Dans la cuisine, le 03/07/24 à 14h03        

À mon oreille droite, le bruit
blanc de la maison qui vit,
à mon oreille gauche, les sons
du dehors. Le silence en stéréo.


Au jardin, le 04/07/24 à 15h29        

Allongé sur l’herbe au soleil,
malgré le calme et la quiétude,
les yeux fermés à contre-jour,
sous mes paupières, je vois rouge.


Au jardin, le 05/07/24 à 9h25        

Je fais le tour des plantes
pour voir si elles vont bien,
pour voir si je vais bien
rien qu’à les regarder pousser.


Le Cellier (place du village), le 07/07/24 à 12h42        

Au déjeuner, V. et moi mangeons
des prunes achetées à l’épicerie.
Elles ne sont pas aussi bonnes
que les sauvages cueillies en chemin.


Camping l’Orée des Boires (Orée d’Anjou), le 08/07/24 à 7h58        

Se réveiller au son des gouttes
de pluie sur la tente igloo.
S’en inquiéter d’abord puis
se rendormir au son des gouttes.


Boulangerie de Coulans, le 11/07/24 à 11h33        

Deux enfants demandent à un monsieur
comment s’appelle son vieux chien,
un grand labrador à poils noirs.
« Il s’appelle Fantômas, vous connaissez ? »


Bois de Coulans, le 13/07/24 à 16h23        

En plein soleil, à l’orée
du bois, les mûres précoces ont
un goût vieilli de vin rouge.
Un avant-goût d’été finissant.


Au jardin, le 14/07/24 à 20h42        

En s’éloignant du soleil couchant,
une mongolfière survole la ferme abandonnée.
Le gaz des brûleurs souffle bruyamment,
comme un cheval qui s’émouche.


Dans la salle de bain, le 15/07/24 à 15h20        

Minutieusement, à la pince à épiler,
je retire mes premiers poils blancs
– cinq – de ma barbe d’été.
C’est une vieillesse toute neuve.


Au jardin, le 16/07/24 à 12h10        

Semer des noyaux de prunier sauvage
encore humides et glissants de chair
en les propulsant au hasard, pressés
entre le pouce et l’index.


Jardin des Plantes (Le Mans), le 21/07/24 à 16h42        

Un châtaignier, des parasols, une guinguette
aux chaises rouges Miko, des passants
qui s’arrêtent acheter une glace.
Tous grands-parents ou petits-enfants.


Allée de Courteille, le 22/07/24 à 18h28        

Sous un noyer au feuillage ajouré
on s’abrite d’une averse
qui fait ressortir le parfum électrique
des pierres sèches tachées de gouttes.


Dans la cuisine, le 23/07/24 à 12h11        

Entre le poivrier et la cafetière,
sur un fond de musique Renaissance,
on joue une partie de Yam
en vitesse avant d’aller travailler.


Fresnay-sur-Sarthe, le 25/07/24 à 8h08        

Réveillé au chant soudain des oiseaux,
portières ouvertes, dans le coffre aménagé
de la voiture. Le matelas attendait
cet instant pour paraître enfin confortable.


Au lit, le 27/07/24 à 00h21        

Dormir demande encore trop d’effort.
Il faut croire que je préfère
rêvasser que rêver, somnoler que sommeiller.
Songeur, loin du pays des songes.


Rue de la Fuye (Laval), le 28/07/24 à 16h26        

Chez les voisins, derrière les forsythias,
deux gamins shootent dans un ballon.
« J’arrive à dix-mille jongles. »
dit l’un. Ennui d’été.
 

Volume horaire, janvier 2025 (9/12)

Quoi qu’on fasse, une journée  ne compte que vingt-quatre heures.  Les quatrains suivants s’en accommodent,  tous écrits en vingt-quatre m...