Quoi qu’on fasse, une journée
ne compte que vingt-quatre heures.
Les quatrains suivants s’en accommodent,
tous écrits en vingt-quatre mots.
En paillant l’allée toute enherbée
de la serre en plein soleil,
mes lunettes s’embuent de sueur
et je vois l’été double.
Les chiens aboient après une guêpe
qui grésille, piégée dans la véranda.
Je l’abats d’un revers
de gant de jardinage. Quel silence !
Un nuage de moucherons se forme
au-dessus d’une épuisette abandonnée.
Une abeille bourdonne dans la lavande
tandis que j’ouvre Les Misérables.
Le visage enfoui dans mon coude
pour ne plus penser à rien,
je sens le pouls du curseur
qui clignote dans la phrase délaissée.
J’écris en écoutant des ouvriers
travailler, remuant sable et ciment frais,
tout en gueulant des ordres inaudibles
qui, de loin, me semblent adressés.
Les chansons niaises à la radio,
le bruit continu des poids lourds
qui passent en couvrant les discussions
de comptoir forment une harmonie légère.
Sur la table de la véranda,
une nature morte : cinq petites assiettes
Bouillon Chartier, cinq éclairs au café,
deux bouteilles, cinq flûtes de cristal.
À la table voisine, un homme
drogué, maigre et les yeux jaunes,
feuillette en discutant avec son fils
un livre sur l’Égypte ancienne.
La fraîcheur du solstice d’été
le soir, lors d’un concert
moyen de fête de la musique,
quand le public danse de froid.
Tous les deux nous restons lire
sous le parasol, dont l’ombre
est une île à l’abri
de l’écrasante douceur de l’été.
Le balayage chantant de la faux
quand le fil de la lame
passe et repasse dans l’herbe
qui se couche en bouquets blonds.
En frottant un brin de romarin
entre le pouce et l’index,
je lis un manuel de géologie
décrivant la formation de la lune.
Il fait si chaud et lourd
que ma casquette libère un parfum :
l’odeur sucrée de la lessive
d’hier faite à la main.
Je feuillette mes achats du jour
tranquille sous un métaséquoïa de Chine.
Sur le banc, roulée en boule,
la veste oubliée d’un enfant.